Manifester en Egypte, le parcours du combattant


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Des dizaines de personnes ont été dispersées ce mardi, lors d’une manifestation dans le centre du Caire. Cet incident intervient 48 heures après la promulgation d’une loi qui restreint le droit de manifester.

Les forces de l’ordre égyptiennes ont fait usage de canons à eau mardi dans le centre du Caire afin de disperser des dizaines de personnes. Celles-ci entendaient manifester pour que soient jugés les responsables de la mort de manifestants lors des répressions meurtrières de fin 2011. Les contestataires n’avaient déposé aucune demande auprès des autorités, alors que depuis dimanche les manifestations en Egypte sont encadrées par une loi portant sur le « droit à la tenue de réunions publiques, de défilés et de manifestations pacifiques dans des lieux publics ».

En effet, la promulgation de cette loi par le Président par intérim, Adly Mansour, oblige les organisateurs à informer les autorités d’un rassemblement trois jours avant sa tenue et autorise le ministère de l’Intérieur à l’interdire s’il représente une « menace pour la sécurité ». Le vote de cette loi intervient sur fond de répression des partisans du Président déchu le 3 juillet dernier, Mohamed Morsi. Elle prévoit également l’ « utilisation graduée de la force » en cas de violences de la part des manifestants.

Manifestants ou criminels ?

Pour certains, cette loi vise à « en finir avec les manifestations » pro-Morsi. Ahmed Maher, fondateur du mouvement du 6-avril, mouvement populaire qui a mis fin au pouvoir de Moubarak estime que « cette loi devrait être abrogée », rapporte l’AFP. Il rappelle que « sous Moubarak, des manifestations avaient lieu ». Pour Amnesty International, cette loi est « un grave retour en arrière » qui « donne carte blanche aux forces de sécurité pour utiliser une force excessive, notamment létale, contre les manifestants ». « C’est un signe dangereux que la première législation adoptée sur les droits et les libertés depuis la destitution de Mohamed Morsi restreigne la liberté de rassemblement et traite les manifestants pacifiques comme des criminels », a jugé l’ONG.

Les membres du parti de Mohamed Morsi, Liberté et Justice (PLJ), ont quant à eux condamné cette loi qui « au lieu d’arrêter les pratiques répressives et meurtrières des forces de sécurité issues du coup d’Etat, encourage les abus ».

Une loi dissuasive

Les règles à respecter pour manifester sont désormais strictes. Les organisateurs doivent remettre un document écrit au ministère de l’Intérieur indiquant l’heure de début et de fin de la manifestation, le trajet précis qu’empruntera le cortège, la nature de la manifestation, son but et les demandes ou objections qui seront formulées, les slogans qui seront scandés et la teneur des affiches, l’identité complète des organisateurs ainsi que leur adresse personnelle et leurs coordonnées. Une fois le document transmis, les organisateurs doivent attendre l’aval des autorités compétentes. L’accord peut être donné qu’au dernier moment, jusqu’à 24 heures avant le début de la marche. Le ministère de l’Intérieur se réserve toutefois le droit d’interdire toute manifestation si elle constitue « une menace pour la sécurité ou la paix » (article 10).

Des pro-Morsi préviennent que ce nouveau texte « n’aura pas d’impact sur les manifestations populaires contre l’armée au pouvoir », assure à France 24 Aya Alaa Hosni, militante du mouvement « Ultra girls » favorable au Président Morsi. « Nous ne reconnaissons pas cette loi, elle est illégitime et a été promulguée par un pouvoir illégitime. Nous continuerons donc à manifester comme avant », complète-t-elle.

Aya et tout autre organisateur de manifestations non déclarées ou non autorisées s’exposent à une amende de 1 000 à 3 200 euros et si elles portent atteinte à l’ordre public et la sécurité, ces derniers risquent cinq ans de prison et jusqu’à 10 700 euros d’amende, selon l’article 7. Depuis la destitution du Président Morsi, plus d’un millier de manifestants pro-Morsi ont été tués, et plus de 2 000 Frères musulmans arrêtés. Ces chiffres pourraient dangereusement grimper si cette nouvelle loi n’est pas suivie par les pro-Morsi.

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