La grève générale illimitée de la Guinée a été endeuillée, mercredi, par la mort de quatre personnes, selon le Conseil national des organisations de la société civile. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur la foule, faisant en plus des morts, de nombreux blessés. Ce jeudi, des manifestations se déroulaient à Conakry et Mamou et des tirs étaient entendus dans d’autres villes.
La grève illimitée engagée il y a une dizaine de jours par les grands syndicats guinéens a pris une tournure macabre mercredi. A Conakry, la capitale, et plusieurs villes de provinces, des rassemblements massifs se sont tenus. Les marcheurs de Conakry, qui avaient prévu de remettre une lettre au président de l’Assemblée nationale, ont essuyé des tirs de gaz lacrymogène, de balles en plastiques et réelles des forces de l’ordre. « Trois personnes, dont un enfant de dix ans, ont été tuées et une autre à Labé (Nord du pays, ndlr). Il est très difficile de dire combien de blessés il y a eu », selon le Conseil national des organisations de la société civile, que nous avons joint jeudi matin par téléphone. L’évacuation des blessés n’a pas été facilitée par les troubles importants de la circulation causés par le mouvement de grève et la pénurie de carburant.
La police se dédouane
Le bilan des événements varie selon les sources, qui parlent de un à trois morts et de nombreux blessés. Parmi les blessés, il y aurait eu l’énergique Rabiatou Serah Diallo, secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée, l’un des principaux syndicats du pays. Un reporter de Guinée News a assisté à la marche de Conakry et interviewé des syndicalistes qui lui ont raconté ceci : « La police est venue par derrière tirer sur la foule. C’est après que les gendarmes ont répliqué. Il y a eu ensuite des tirs à balles réelles sur la foule. Deux personnes ont été atteintes. Une femme qui venait du marché a reçu une balle dans sa tête avant de rendre l’âme peu après, à l’hôpital Ignace Deen. Un vieillard a également reçu une balle au thorax, lui aussi a rendu l’âme à l’hôpital. » Toujours selon ce media, une autre personne a perdu la vie à Simbaya Gare.
S’exprimant à la radio nationale guinéenne, le commissaire de police a expliqué que les morts n’étaient pas du fait de la police, qui était là pour « protéger les manifestants ». Des manifestants qui sont très remontés contre le pouvoir. Ils avaient envoyé, lundi, une missive au président Lansana Conté où ils lui demandaient notamment de dissoudre le cabinet et nommer un nouveau premier ministre. N’ayant pas reçu de réponse, ils ont organisé la marche de mercredi.
« Menaces de mort de Lansana Conté »
Plus que jamais, les grévistes souhaitent obtenir la satisfaction de leurs revendications. Le chef de l’Etat avait, entre autres, promis « la réduction du prix des produits pétroliers, la domiciliation, en Guinée, des avoirs des promoteurs économiques et des sociétés minières, ainsi que la promotion de l’emploi des jeunes », rappelle l’agence Panapresse. Pas assez, selon les syndicats. Quant à dire si Lansana Conté sera prêt à transiger sur d’autres points, rien n’est moins sûr. Il a reçu des syndicalistes mercredi soir et apparemment l’heure était plutôt à la confrontation.
« Au lieu de revenir à la négociation, il les a menacés de leur faire du mal, de les chicoter, de les tuer », indique une source du Conseil national des organisations de la société civile. « Je risque de vous tuer tous les quatre. J’ai déjà tué, je suis capable de tuer encore, mais je ne sais pas quand est ce que je vais le faire… », a déclaré le président, d’après le Dr Ibrahima Fofana, secrétaire général de l’Union des travailleurs de Guinée, qui a assisté à la rencontre, de même que Rabiatou Serah Diallo. Lansana Conté refuserait désormais de rencontrer les syndicalistes à nouveau.
Ce jeudi, une manifestation est organisée à Conakry et de jeunes manifestants s’opposent aux forces de l’ordre dans la commune de Ratoma. Des coups de feux auraient retenti à Taouyah, Bambéto, Sibaya et Kénien, selon les informations de Guinée News. En fin de matinée, une manifestation se déroulait à Mamou, dans le Nord de la Guinée. « Les militaires sont sortis avec leurs armes, poursuit notre source, citant le correspondant local du Conseil national des organisations de la société civile. Les manifestants leur ont crié : « Allez-y, tuez-nous ! » et les militaires sont retournés à leur caserne sans tirer un seul coup. » Alors que les Guinéens s’inquiètent de ces flambées de violence, que dénonce l’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch, il semble que les morts de mercredi soient devenus des martyrs du combat pour une vie meilleure.
Images de la police tirant sur la foule à Konakry