Plusieurs centaines de Soudanais ont exprimé leur mécontentement à Port-Soudan, mardi, en protestant contre la décision du gouvernement de procéder à un remplacement partiel des billets de banque dans les zones qu’il contrôle, en plein conflit. Cette mesure, qui touche principalement les zones sous contrôle gouvernemental dans un pays plongé dans la guerre, a provoqué une vive opposition.
En réponse aux manifestations, le gouvernement a prolongé de sept jours la validité des coupures de 500 et 1 000 livres soudanaises, qui étaient destinées à être retirées de la circulation. Ces protestations ont eu lieu dans la capitale de facto, Port-Soudan, qui est devenue un centre névralgique depuis le début du conflit entre l’armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui a éclaté en avril 2023.
L’armée accusée de tenter de diviser le pays
Ce conflit a entraîné des dizaines de milliers de morts et provoqué le déplacement de plus de 12 millions de personnes, tandis que l’économie du pays, déjà fragile, a été gravement affectée, avec la fermeture de nombreuses banques. Le gouvernement, qui s’est réfugié à Port-Soudan, justifie le remplacement des billets dans les zones sous contrôle militaire, principalement dans le Nord et l’Est du pays, comme étant une mesure visant à « protéger l’économie nationale et à lutter contre les activités criminelles ».
Cependant, cette initiative suscite des inquiétudes quant à une nouvelle division entre les zones contrôlées par l’armée et celles sous contrôle des FSR. Ces derniers, qui détiennent presque toute la région occidentale du Darfour ainsi que de vastes portions du Sud et du Centre du Soudan, ont déjà interdit l’utilisation des nouveaux billets dans leurs zones. Ils accusent l’armée de tenter de diviser le pays à travers cette décision.
Mise en circulation d’une quantité limitée de nouveaux billets
À Khartoum, la capitale, la situation est également tendue, la ville étant partagée entre les deux factions en guerre. Lundi, jour où la date limite pour échanger les billets avait été fixée, le commerce et les transports à Port-Soudan étaient largement paralysés. Les commerçants, conducteurs de bus et stations-service ont refusé d’accepter les anciens billets, tandis que les banques ont mis en circulation une quantité limitée de nouveaux billets.
Les manifestants, brandissant des liasses de billets périmés, ont scandé : « Que va-t-on en faire ? ». La livre soudanaise a perdu une grande partie de sa valeur depuis le début du conflit : avant la guerre, un dollar valait 500 livres soudanaises, contre 2 500 aujourd’hui sur le marché noir. Le ministre de l’Information, Khalid al-Aiser, a précisé que le délai avait été prolongé jusqu’au 6 janvier afin de permettre aux citoyens d’achever le processus d’échange « de manière simple et sans encombre ».
Situations similaires ont eu lieu dans d’autres pays africains
Le retrait des billets et l’échange forcé de monnaie ne sont pas un phénomène unique au Soudan. Des situations similaires ont eu lieu dans d’autres pays africains en crise, où la guerre ou des tensions internes ont poussé les autorités à modifier la circulation monétaire. Par exemple, au Zimbabwe, le gouvernement a lancé plusieurs séries de nouveaux billets en réponse à une hyperinflation dévastatrice, créant également des tensions avec la population.
De même, au Nigeria, la réintroduction de nouvelles coupures dans certaines régions a provoqué des manifestations et des refus d’acceptation dans les zones rebelles ou insurrectionnelles. Ces exemples montrent les défis que les pays en guerre ou en crise économique rencontrent lorsqu’ils tentent de contrôler leur monnaie et de stabiliser leur économie, souvent en affrontant la résistance des populations locales.