Les manifestations, à Conakry en Guinée, contre le président Alpha Condé ont tourné au drame. Pas moins de sept manifestants ont été tués. L’opposition guinéenne a manifesté ce samedi à Paris, partant des Invalides, où se trouve le ministère français des Affaires étrangères, jusqu’à l’Assemblée nationale. Au début du cortège, la centaine des Guinéens a appelé au départ de leur président. Reportage.
« Un front républicain guinéen contre le clan fasciste d’Alpha Condé ». Le slogan est sans détour : c’est l’inscription marquée sur le bandeau des manifestants guinéens de Paris qui sont partis ce samedi après-midi des Invalides jusqu’à l’Assemblée nationale protestant contre le régime du président de la Guinée, Alpha Condé. Le chef d’Etat est accusé d’exactions contre l’opposition et de verrouiller le pouvoir en refusant d’organiser des élections libres et transparentes.
« Je suis venu manifester pour dénoncer les violences contre les civils désarmés. Le droit de manifester en Guinée est sans cesse bafoué. Je suis venu pour montrer une énième fois mon ras-le-bol. On tire sur les innocents au vu et au su de tout le monde. Personne ne s’en préoccupe ! », s’offusque Edy, membre de l’Alliance Guinea. Et de fustiger la division ethnique opérée, selon lui, par le président Alpha Condé : « Il y a une frange extrémiste du côté du président qui veut en découdre avec l’autre frange extrémiste du côté du principal opposant politique. Alpha Condé essaye de monter les Malinké (son ethnie) contre les Peuls (l’ethnie majoritaire) ».
Les Guinéens de la région parisienne, rassemblés devant le ministère français des Affaires étrangères, ont même apporté des photos censées mettre en scène les cadavres des 28 victimes d’assassinats politiques qu’aurait perpétrés la milice du président guinéen. « Le pays est au bord du précipice et Alpha Condé en est le responsable. Il se comporte comme un chef de guerre », déclare à Afrik.com Mouctar Sall, organisateur de la manifestation et membre du parti Nouvelle force démocratique (NFD). Et d’ajouter : « Il faut que Alpha Condé parte. On veut un gouvernement qui pense au pays. C’est l’occasion pour nous de tendre la main aux partisans du président qui se désolidarisent de lui. Nous sommes venus ici pour rappeler les fondamentaux de la nation. Que justice soit rendue aux familles des victimes ».
« La situation actuelle : une bombe ethnique à retardement »
Toute l’opposition guinéenne s’était donnée rendez-vous ce samedi à Paris, sur la place des Invalides. La manifestation s’est déroulée dans le calme voire dans l’inquiétude. Les violentes manifestations de Conakry, qui ont causé la mort de sept manifestants, hantent encore les esprits. Et on craint le pire : « La division communautaire mène tout droit à ce qui s’est passé au Rwanda ou en Côte d’Ivoire », tire la sonnette d’alarme Elhadj Oumar, un des responsables du Bloc libéral à Paris. Avant de prévenir : « La situation actuelle c’est une bombe ethnique à retardement ». « A entendre Alpha Condé, les Peuls n’ont pas vocation à diriger le pays car ils ont le pouvoir économique », ajoute-t-il.
Opposée à la violence politique, la diaspora guinéenne réclame ainsi l’instauration d’une véritable démocratie, une justice réparatrice et restauratrice, ainsi que la réconciliation nationale. « Il n’y a pas de dialogue entre l’opposition et le pouvoir en place. Alpha Condé a traité l’opposition de chiens, d’aboyeurs, ce sont des propos inacceptables », confie à Afrik.com Nabbie Baby Soumah, président d’honneur du think thank Club DLG (Demain la Guinée). Et de dénoncer la « parodie de justice », qui est selon lui « dangereuse pour l’image de la Guinée ».
« Cette parodie de justice ressemble à ce qui s’est passé en Europe de l’Est et raconté dans le film « L’Aveu » de Costa-Gavras et magistralement interprété par Yves Montand et Simone Signoret », ironise-t-il.
Si le départ d’Alpha Condé paraît compliqué voire impossible, les Guinéens de Paris espèrent au moins que le président de la Guinée cédera sur l’organisation des élections législatives libres et transparentes, en acceptant notamment de révoquer Waymark, l’organisme sud-africain de recensement des électeurs, pour une société indépendante. Et attendent tous que Paris intervienne pour faire débloquer la situation.