L’ambassade de Guinée en France a été occupée et en partie saccagée mardi par une vingtaine de Guinéens, rendus furieux par le massacre perpétré lundi par l’armée, dans un stade de Conakry. La police française a interpellé plusieurs d’entre eux. Mercredi, d’autres guinéens se sont rendus devant l’ambassade désormais protégée par un détachement de la police française, pour soutenir leurs concitoyens arrêtés la veille. Mais ils n’ont pas eu d’informations précises quant à leurs conditions de détention. Un de leurs leaders a indiqué que la Cour pénale internationale pourrait être bientôt saisie du cas Dadis Camara.
Mardi, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a réitéré « sa condamnation de cette répression sauvage et sanglante », dans un communiqué. La diplomatie française a par ailleurs laissé filtrer à la presse que son estimation du bilan des exécutions se portait à plusieurs centaines de personnes.
Le ministre français a annoncé en conséquence la suspension de la coopération entre les forces armées française et guinéenne. Le Parisien a précisé que l’accord entre Paris et Conakry concerne l’envoi de 10 coopérants sur place pour un budget de 2 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 300 000 euros d’aide logistique. Paris entend aussi revoir son aide bilatérale à la Guinée. A la demande de la France, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se sont réunis mercredi pour décider d’une position commune. La Belgique a appelé au renforcement des sanctions. Toutefois, malgré les mises en garde de son patron le ministre français des Affaires étrangères à l’endroit de la junte au pouvoir à Conakry, Alain Joyandet a déclaré que la France soutiendrait le régime guinéen, s’il s’engageait à respecter complètement ses engagements pour une transition démocratique en janvier prochain. |
Ambassade de Guinée dans un quartier huppé de Paris, ce mercredi matin. Les manifestants sont peu nombreux, une petite quinzaine. Mais ils sont déterminés. Guinéens résidant en France, ils se sont donnés rendez-vous là, pour soutenir une vingtaine de leurs compatriotes arrêtés la veille. La police les tient à bonne distance.
Mardi, certains de leurs concitoyens sont parvenus à pénétrer dans l’enceinte de l’ambassade. Objectif : démontrer de façon spectaculaire leur opposition au régime militaire du capitaine Dadis Camara. Selon Guinée Presse, les manifestants ont saccagé les bureaux de l’ambassade. Toutefois, ils ont épargné les documents en traitement, afin de ne pas gêner leurs concitoyens dans leurs démarches administratives.
Les manifestants se rendent sans résistance aux policiers français
Une vidéo mise en ligne sur Leguepard.net, site d’Ibrahim Makanera, secrétaire général de l’Union des forces républicaines (UFR), retransmet en longueur le déroulé de cette manifestation devant l’ambassade. Obéissant aux appels au calme de leurs meneurs, les manifestants se rendent sans résistance aux forces de police. Ils chantent l’hymne national guinéen. « Vive la démocratie ! A bas la dictature ! », scandent-ils. Une journaliste de la chaîne de télévision France 24 demande à une jeune femme s’il faut croire Dadis Camara, qui se dit « désolé » du massacre : elle fond rapidement en larmes.
Le même jour, l’ambassade de Guinée au Gabon subit une visite similaire. Un effet d’imitation, explique Makanera, dont le parti participe au Forum des forces vives de Guinée (FFVG), mouvement qui rassemble partis d’opposition, syndicats, associations et membres de la société civile. A Paris, il participe au pilotage de la campagne anti-Dadis Camara.
Pas de nouvelles des personnes interpellées
Mercredi, l’ambassade est restée injoignable. Ibrahim Makanera explique que le statut de ses camarades placés en garde à vue est flou. Il sait seulement que leur détention a été prolongée.
A l’en croire, les informations données par la police sont contradictoires. Au début, les policiers auraient indiqué que les personnes arrêtés seraient simplement contrôlées. C’est plus tard qu’on a appris qu’elles étaient placées en garde à vue. Le porte-parole du parquet de Paris était indisponible mercredi. Impossible d’avoir la moindre information officielle. Si des charges sont retenues contre les manifestants interpellés, ils pourront passer en comparution immédiate devant un juge, sauf décision contraire du procureur de la république.
Vers un recours contre la junte devant le TPI ?
Pour Ibrahim Makanera, pas question en tout cas, d’arrêter le combat. Un recours devrait être introduit devant le Tribunal pénal international (TPI), assure-t-il. A partir de vendredi, il disposerait d’un document de synthèse sur le massacre de 2007. Un rapport qui sera présenté à un procureur du TPI, lequel décidera de l’opportunité des poursuites, la CPI ne recevant pas les plaintes des particuliers. « Ceux qui ont assassiné de nombreux Guinéens en 2007 sont pour la majorité les mêmes que les coupables des crimes de lundi », précise Ibrahim Makanera. Le capitaine Dadis Camara pourrait donc bientôt faire face à un nouveau front.
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