Manger du chien n’est plus tabou


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Le chien et le chat tendent à remplacer le boeuf et la chèvre dans l’alimentation de certains Congolais. Crise alimentaire oblige, les deux animaux ont cessé d’être les amis fidèles de l’homme et les tabous ne résistent plus devant la faim. A Mbandaka et Kinshasa, des « nganda » servent officiellement de la viande de chien. Les chasseurs sont aux abois.

Par Octave Kambale Juakali

Chiens et chats vont désormais unir leur sort et faire équipe pour se méfier des humains. Longtemps considérés comme des animaux domestiques non comestibles, les chiens et les chats sont systématiquement traqués pour garnir les plats des humains au même titre que les chèvres, les moutons, les lapins ou les poules. La longue et atroce guerre a tellement clochardisé la population que la plupart des fermes ont été vidées par de nombreux prédateurs. Vaches et chèvres ont servi de butin de guerre et, pour des raisons évidentes, personne n’a plus pensé à régénérer le cheptel. Conséquences, abattoirs et boucheries ont arrêté de fonctionner et la population se rabat sur les seuls animaux jusque là épargnés: les chiens et les chats.

Plus succulente que le boeuf

D’une manière générale, la viande de chien ne se consomme que dans les milieux culturels luba, dans les deux provinces du Kasai oriental et occidental. « La viande de chien ne se mange qu’à l’occasion de certaines cérémonies et uniquement par des initiés, explique Mathieu Kalubi, un Luba du Kasai oriental. Cela s’appelle du Tshibelebele ». Le Tshibelebele est préparé à la braise. Dans la mégapole de Kinshasa, avec ses 7 millions d’habitants, l’alimentation pose problème. On a de la chance si on peut se nourrir une fois par jour et les produits de boucherie sont devenus hors de prix. La carence due à la guerre a amené de nouvelles habitudes alimentaires. Ainsi en est-on arrivé à penser à se pourvoir autrement en protéines animales.

Longtemps restée une pratique marginale, la consommation de viande de chien devient courante et se serait plus généralisée n’eussent été les tabous culturels. Pour des ressortissants de provinces autres que celles des deux Kasai, rien que l’évocation de la consommation de la viande de chien hérisse les poils tellement la chose est inimaginable. « Je ne peux pas m’imaginer manger du chien », s’indigne Emmanuel Tshiza, originaire du Sud-Kivu. Mais, dans les quartiers populeux de Ndjili et Masina , à Kinshasa, on ne s’embarrasse plus de ce genre de scrupules. On mange autant du chien que du chat. Si la viande de chat se consomme moins et que personne ne bombe le torse pour en avoir mangé, la viande de chien, par contre, est consommée ostensiblement à certains endroits précis.

Mme Ida Ngalula, au coin d’une rue dans la commune de Ndjili, ne se cache pas d’en servir à ses clients, de plus en plus nombreux. « Il n’y a pas que les Baluba qui viennent manger ici, répond-elle. Tous les jeunes du quartier passent chaque soir en demander à mon nganda ». Les nganda sont de petits restaurants de fortune disséminés dans la ville de Kinshasa qui proposent des repas bon marché et vendent de la bière. Des clients viennent manger du chien généralement comme amuse-gueule pour accompagner la bière. Visiblement, ils y prennent de plus en plus goût. « C’est de la très bonne viande, explique un client de Mme Ngalula. Plus succulente que celle que nous proposent habituellement les boucheries ». L’ennui c’est qu’il y a de moins en moins de chiens dans la rue.

Plainte des chasseurs

Le même constat est fait par des consommateurs de la même viande à Mbandaka, dans la province de l’Equateur, au Nord-Est de Kinshasa. A une heure d’avion de la capitale, la province de l’Equateur est couverte de forêt. On y vit de poissons du fleuve Congo ou de gibiers. Avec le climat d’insécurité généralisée, du fait de la guerre, les chasseurs ne se hasardent plus tellement dans la forêt pour la chasse. En conséquence, le gibier se fait rare au marché. A la place, la population tend à remplacer la viande de chasse par celle de chien. Comme à Kinshasa, le problème reste celui de la disponibilité de la viande.

En RDC, il ne se pratique pas d’élevage de chien comme en Chine ou au Vietnam et donc la viande est très rare. Selon, Radio Okapi, la radio de la Monuc (Mission des Observateurs des Nations Unies au Congo) qui rapporte la nouvelle, les chasseurs se plaignent des disparitions quasi-quotidiennes de leurs chiens. Mêmes plaintes à Kindu, province du Maniema dans l’Est du pays. Et là, on accuse nommément les militaires du RCD qui, le plus officiellement, traquent les chiens et les chats dans des habitations, allant jusqu’à menacer les propriétaires de leurs armes. La population canine aurait sensiblement diminuée et pourrait se trouver en voie d’extermination. Les chasseurs de Kindu ont porté plainte auprès de la Monuc qui avoue ne pas avoir de solution. Cela ne rentre sûrement pas dans son mandat.

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