Mandela brise le tabou du VIH


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Devançant les « on dit » de la presse, Nelson Mandela, l’ancien Président d’Afrique du Sud, a annoncé publiquement, ce jeudi, que son fils âgé de 56 ans est décédé du sida. Une maladie difficilement assumée par la plupart des personnalités politiques. Mandela vient ainsi briser la loi du silence en qualifiant le VIH comme une maladie normale. Avec élégance et tristesse, il vient rappeler à une nation en deuil que la première cause de mortalité du pays, pour pouvoir être efficacement combattue, ne doit plus être un tabou.

Le fils de Mandela tué par le sida. Nelson Mandela, figure du combat contre l’Apartheid, a annoncé lors d’une conférence de presse à Johannesbourg, que son fils Makghato Mandela, âgé de 56 ans, est décédé ce jeudi du VIH. Un tabou brisé contre la pandémie qui a, depuis son apparition, entraîné la mort de 22 millions de personnes sur le continent, et qui touche encore un homme sur cinq en Afrique du Sud. Mabiba, qui a depuis la fin de son mandat présidentiel particulièrement œuvré contre le mal le plus meurtrier du siècle, a de la sorte dénoncé une nouvelle fois la dangereuse stigmatisation de la maladie.

La confession publique de Mandela reste un acte encore trop rarement assumé par les personnalités politiques du monde africain, qui peinent à admettre le décès d’un de leurs proches du fait de la maladie. Tabo Mbecki, l’Actuel chef de l’Etat, en est l’exemple. Ce dernier avait affirmé publiquement dans un excès de zèle, qu’il ne connaissait personne atteint du virus autour de lui. Des paroles, de la part d’un Président qui avait tardé à permettre l’introduction de traitement antirétroviraux dans son pays, qui avaient alors provoqué un véritable scandale. A l’opposé, le Prix Nobel 93 avait annoncé, deux ans auparavant, que trois personnes de sa famille avaient succombées à la pandémie (une nièce et les deux fils de l’un de ses neveux). En mai 2004, Mangosuthu Buthelezi, chef du Parti de la liberté Inkhata (IFP), avait également révélé que son fils de 53 ans était mort du sida.

46664

Après s’être appliqué tant bien que mal à redresser son pays contre les spectres d’un apartheid tout juste aboli, Nelson Mandela s’est attaqué d’un même souffle au sida qui touche plus de 39.4 millions de personnes dans le monde, et qui ravage son pays. L’Afrique du Sud compte, devant l’Inde, le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH. Un mal qui s’est féminisé ces dernières années et qui concerne désormais 26.5% des femmes enceintes de 15 à 24 ans (source Onusida). En 2004, l’ancien Président sud-africain, âgé de 86 ans, s’est lancé dans une campagne baptisée « 46664 », son ancien numéro de détenu, visant à collecter des fonds pour lutter contre le sida. Un engagement qu’il tient encore aujourd’hui en révélant publiquement, et avec toute la solennité possible, la cause du décès de son fils.

Presque quinze ans après la découverte du premier cas de personne infectée, les victimes du sida font encore – en Afrique comme ailleurs- l’objet de sérieuses ségrégations. Une réalité dont témoigne le porte-parole sud-Africain de l’Association nationale de personnes malades du sida (Napwa), en expliquant (à Reuters) que la honte qui entoure le virus est très forte dans les zones rurales. Un tabou traduit trop quotidiennement par les agressions qu’il entraîne. On se souvient d’un des premiers Sud-Africains atteint du VIH, Gugu Dlamini, assassiné en 1998 à la suite d’un viol collectif, où il avait informé ses agresseurs de sa contamination. Son cas n’est pas isolé. Le sida est un apartheid d’un nouveau genre qui cache ses morts dans un profond et criminel silence. Nelson Mandela l’a bien compris : « En parler est le seul moyen d’arrêter de voir le sida comme une maladie extra-ordinaire, à cause de laquelle les gens iront en enfer plutôt qu’au paradis ».

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