Mamadou Konté, fondateur et animateur du label de diffusion musicale Africa Fête et militant culturel, s’est éteint le mercredi 20 juin 2007 dans la soirée à Dakar à l’âge de 62 ans. Mamadou Konté est élevé au rang de Chevalier des Arts et Lettres en 1992 puis à celui d’Officier des Arts et Lettres en 2002.
Source et photo, Africa Fête
Né le 22 juillet 1945 à Tambacounda (Sénégal), malien d’origine, Mamadou Konté émigre en France en 1965 : ouvrier logeant dans un foyer Sonacotra, il se lie à partir de mai 68 aux militants d’extrême gauche qui lui apprennent à lire. En 1969, il mène les grèves de loyer dans les foyers de travailleurs immigrés. En réaction au projet giscardien d’aide au retour, il crée l’association d’aide au retour créateur des travailleurs africains. Il s’agit de préparer intelligemment le retour au pays de ceux qui le désirent. Travail collectif, dont le principal vecteur sera culturel. Il envisage parallèlement d’organiser une fédération des locataires immigrés visant à améliorer la situation dans les foyers. C’est dans ce but qu’il contacte en 1976 le chanteur français François Béranger qui écrira la célèbre chanson « Mamadou m’a dit ».
De cette rencontre naîtra le premier concert organisé par Mamadou Konté. C’est l’ébauche du festival Africa Fête qui prend son essor en 1978 : 10000 personnes se déplacent à l’Hippodrome de Pantin. La programmation s’appuie sur la notoriété de chanteurs français engagés (Béranger, Lavilliers, Nougaro…) pour faire découvrir les musiques africaines à un plus large public.
Véritable précurseur, Mamadou participe au travers de son festival annuel à la reconnaissance de talents venant de tous les pays d’Afrique, souvent émigrés à Paris pour faire entendre au monde leurs musiques, véritable or culturel du continent noir : Touré Kunda, Manu Dibango ou Xalam figurent parmi ses premiers compagnons musicaux.
Avec les années 80 et l’entrée des musiques africaines dans l’industrie phonographique, toujours porté par sa vision humaniste et panafricaine, Mamadou se mue en entrepreneur culturel, tout à fois découvreur de talents, manager et agent, organisant toujours, contre vents et marées, son festival annuel à Paris.
Ainsi, après avoir mis en place en 1984 la première grande tournée française de Youssou N’Dour et Osibisa, il se rapproche en 1985, pour la programmation du festival Africa Fête sur le campus de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC), de l’artiste malien Salif Keita avec lequel il enregistre, financé par Ibrahima Sylla, célèbre producteur ouest africain, le mythique album « Soro » (1986).
Cet album est pour lui l’occasion de faire la connaissance de Chris Blackwell, fondateur du label Island, une des rares maisons de disque internationales dont le catalogue est ouvert aux musiques venant de pays dits du « tiers monde » avec Bob Marley, FelaKuti ou King Sunny Adé.
De cette rencontre naît un compagnonnage artistique qui se concrétise, sur la période 1987 – 1995, par l’arrivée sur la scène internationale de nombreux artistes aujourd’hui reconnus : outre Salif Keita, Mamadou Konté accompagne ainsi les premiers pas d’Angélique Kidjo, Baaba Maal ou Positive Black Soul.
Cette collaboration avec Chris Blackwell permet aussi à Mamadou d’exporter en Amérique du Nord Africa Fête, qui y devient un grand festival itinérant, programmant chaque année trois artistes dont les disques sont commercialisés en synergie avec la tournée.
Comme lors de sa création à Paris, l’objectif principal reste d’être un pont entre les cultures, en éveillant le grand public US et la communauté africaine américaine à ces nouvelles sensibilités musicales.
De 1993 à 2001, vont s’organiser six grandes tournées annuelles, chacune attirant plus de 100 000 spectateurs, pour découvrir des artistes comme Oumou Sangaré, Papa Wemba, Femi Kuti…
Parallèlement, Mamadou Konté retrouve en 1992 l’Afrique de l’Ouest à l’occasion d’une tournée de Salif Keita, puis en organisant en 1993 à Dakar un grand festival « Africa Fête de la Musique » au Stade Demba Diop : 45 000 spectateurs vibrent alors jusqu’à l’aube devant Mc Solaar, Positive Black Soul, Youssou Ndour, Baaba Maal, Omar Pene, Sekouba Bambino…
Mamadou Konté décide alors de donner à son action une nouvelle orientation : il s’établit à Dakar, ouvre le Centre Culturel Tringa (1995 – 1999) qui devient un outil de formation aux métiers de la musique et une scène ouverte aux nouveaux talents (Cheik Lô, les Frères Guissé, Tidiane & le Dieuf Dieul, de nombreux artistes de la scène hip-hop sénégalaise – PBS, Pee Froiss, Daara J,…-.
La principale ambition de Mamadou et de son équipe est dès lors de prouver par l’exemple que le secteur musical participe activement au développement économique des pays africains et génère de nombreux emplois, du vendeur de cassettes aux musiciens interprètes en passant par les techniciens et le personnel d’encadrement.
Inlassable formateur et orateur, organisateur de tournées aux quatre coins du monde, Mamadou Konté met avec le XXIème siècle sa notoriété et son expérience au service d’initiatives pour mieux structurer une vraie industrie musicale africaine : il crée le réseau Circul’A, réunissant des entrepreneurs culturels (labels, organisateurs de festivals…) de toute l’Afrique de l’Ouest et Centrale pour favoriser l’organisation de tournées panafricaines ; fonde au Sénégal le Syndicat des producteurs et éditeurs phonographiques ; devient un des interlocuteurs principaux du gouvernement sénégalais pour rendre effective la lutte contre la piraterie, faire reconnaître le statut de producteur et assurer une meilleure protection des ayant-droits (auteurs, compositeurs…).
La musique africaine perd, avec la disparition subite de Mamadou Konté, un de ses plus grands ambassadeurs, ayant œuvré toute sa vie pour que les différentes cultures du monde s’enrichissent au contact les unes des autres, dans un respect mutuel, sans peur ou idée préconçue, tout en luttant pour que le secteur musical soit reconnu comme un vecteur effectif de développement économique.
Nul doute que ses idées franchissent dans un proche avenir de nouvelles étapes. La vision et les actions de Mamadou Konté sont toujours bien vivantes.
1948 : naissance à Tambacounda au Sénégal
1965 : arrivée en France
1978 : première édition d’Africa Fête en France
1993 : première édition américaine d’Africa Fête
1994 : implantation à Dakar et ouverture de la Villa Tringa
1998 : 20 ans d’Africa Fête au grand parc de la Villette
2002 : Création de Cola production à Marseille
2006 : 6ème édition du festival Africa Fête à Dakar
2007 : Décès le 20 juin – Hommage rendu le 30 juin lors d’Africa Fête Marseille 3ème édition