Mamadou Diouldé Diallo : « C’est la galère qui persiste en Guinée »


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Drapeau de la Guinée
Drapeau de la Guinée

L’an un d’Alpha Condé au pouvoir ne passe pas inaperçu chez les Guinéens. La preuve est : qu’il se trouve à l’intérieur du pays ou à l’extérieur, le citoyen guinéen a son mot à dire. C’est le cas de Mamadou Diouldé Diallo, secrétaire général de la Coordination de la société civile des guinéens de Côte d’Ivoire (COSCGCI). Dans une interview accordée à Afrik.com, cet activiste s’exprime sur le bilan d’Alpha Condé qu’il juge « mitigé ».

Afrik.com : Quel bilan après un an de pouvoir d’Alpha Condé ?
Mamadou Diouldé Diallo :
En tant qu’activiste, je dirai qu’en un an, il est difficile de faire dès à présent le bilan d’un mandat de cinq ans. D’emblée, je dirais que les attentes ne sont pas comblées, les Guinéens restent toujours sur leur faim d’autant plus que rien de concret n’a été remarqué sur le terrain. Le quotidien des Guinéens n’a pas changé, au contraire la situation s’est beaucoup aggravée ces derniers temps avec l’augmentation du prix du carburant à la pompe. Grosso modo, c’est la galère qui persiste en Guinée.

Afrik.com : Dans son discours, Alpha Condé a par ailleurs dressé un bilan plutôt positif notamment de la stabilité du franc guinéen et du taux de croissance qui est passé de 1.5 pour cent à environ 5 pour cent. N’est-ce pas là des progrès ?

Mamadou Diouldé Diallo : Le franc guinéen est appelé, par erreur, par certains le franc « flottant ». Il est difficile de parler de cette stabilisation puisque lorsque Alpha Condé est arrivé au pouvoir la monnaie guinéenne s’échangeait à soixante douze mille francs ou soixante quinze mille francs guinéen contre cinq mille francs CFA. Ces derniers temps, elle a même connu un pic de quatre mille contre cinq mille francs CFA. Et jusqu’à présent c’est la même situation qui est là. Au lieu de stabilité, j’aurai préféré qu’il (ndlr: Alpha Condé) dise qu’il y a une certaine revalorisation de la monnaie. Vu le pouvoir d’achat des Guinéens, je ne pense pas que cette stabilité dont parle le président ait eu une incidence sur le quotidien des Guinéens. Cinq mille francs CFA pour soixante quinze mille francs guinéen. Voyons le salaire moyen d’un fonctionnaire guinéen, ça reste toujours la même chose. Il n’y a aucun changement sur le plan monétaire. A mon avis, le problème de la Guinée ne se situe pas tant au niveau de la monnaie mais au niveau même des fondements de l’économie guinéenne. Lorsque l’économie est forte, il va s’en dire que la monnaie va se stabiliser d’elle-même.

Afrik.com :Jetons un regard sur le plan social et politique, peut-on noter des avancées notamment en matière d’amélioration des droits de l’homme ?

Mamadou Diouldé Diallo : Notre position en tant que société civile nous met dans l’embarras quant il s’agit de parler ou de critiquer. Mais qu’à cela ne tienne, nous ne pouvons dire que ce que nous avons constaté. Dans ce cas, on ne peut pas parler d’avancées, d’autant plus qu’il y a encore des prisonniers politiques qui croupissent en prison sans être jugés. Faut-il parler d’amélioration, je dirai non. Lorsqu’il n’y aura aucun prisonnier politique en Guinée, lorsque ceux qui sont suspectés d’être auteurs de grave violation de droit de l’homme en Guinée seront arrêtés et traduis devant les juridictions du pays, c’est à ce moment là qu’on parlera d’avancée sur le plan des droits de l’homme. Mais ce n’est pas le cas, nous notons que les militaires qui ont été interpellés lors de l’attaque de la résidence du Chef de l’Etat, le 19 juillet dernier, sont toujours en prison et n’ont toujours pas été jugés à l’heure ou je vous parle. Il y a aussi des militants de l’opposition qui ont été interpellés lors d’une manifestation pourtant autorisée par l’Etat qui sont toujours privés de liberté. Tous ces faits que je viens d’énumérer prouvent largement que notre pays est loin de pouvoir être qualifié de nation démocratique où les droits de l’homme sont respectés.

Afrik.com :Selon vous pourquoi ce changement tant prôné par le Chef de l’Etat n’arrive pas à se faire sentir. Certain pointe du doigt son entourage, faites-vous le même constat?

Mamadou Diouldé Diallo : Je vous dirai tout de suite que le Professeur Alpha Condé avait lui-même donné la réponse lors d’une de ses interventions. Il a dit clairement qu’il ne connait pas les cadres Guinéens. Ce témoignage veut tout dire. Lorsqu’on ne connait pas un milieu, il est difficile d’y travailler. Il ne connait pas les cadres guinéens, il ne connait pas comment fonctionne la Guinée. Si je ne me trompe pas, je crois que c’est sa première expérience en matière de gestion d’un Etat. Vous comprendrez qu’il ne pourra pas gouverner librement ce pays. D’autant plus qu’à son arrivé en Guinée, il a plutôt travaillé avec ceux justement qui ont contribué à mettre le pays à genoux. Comment voulez-vous faire du neuf avec du vieux ? C’est impossible. Alpha Condé devrait quelque soit la divergence de point de vue qui existe entre lui et son opposition, au moins faire appel aux compétences de part et d’autre pour voir dans quelle mesure les Guinéens pourront redresser la situation. Mais avec sa politique actuelle, je ne pense pas qu’il puisse redresser quoique se soit. A ce rythme là, les Guinéens vont toujours attendre et ça ne fera que durer. Il faudrait qu’il cherche d’abord à savoir qui est qui. Prendre les compétences nécessaires où qu’elles se trouvent dans l’intérêt du pays, et non se cantonner seulement à son alliance politique. Même si politiquement ils sont proches, ses alliés ne peuvent pas toujours avoir toutes les compétences nécessaire au décollage économique du pays. Un chef doit transcender les clivages politiques ou idéologiques pour privilégier l’intérêt du pays.

Afrik.com : Votre mot de la fin ?

Mamadou Diouldé Diallo : Je voudrais lui souhaiter bon anniversaire et lui signifier qu’un an c’est déjà beaucoup dans la vie d’une personne, mais insignifiant dans la vie d’une nation. Je voudrais surtout qu’il se penche beaucoup plus sur le peuple guinéen qu’il soit de l’intérieur ou de la diaspora. Ce n’est pas forcément parce qu’on est à l’extérieur du pays qu’on ne peut pas apporter un plus à l’économie nationale ou contribuer à l’animation de la vie politique nationale. Il y a des cadres Guinéens compétents à l’étranger qui sont capable de l’aider à relever ce défi. Lui-même, qui a été en exil, connait bien les difficultés de ce milieu. Ayant passé une grande partie de sa vie hors du pays, il peut être considéré comme l’un des nôtres. Il devrait donc avoir une attention toute particulière pour ses frères vivant à l’étranger. Peut être que le salut de la Guinée se trouve dans sa diaspora.

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