La malnutrition est un fléau en Afrique. Au Mali, 32% des enfants de moins de cinq ans ont un poids inférieur à la normale. Partout, elle fait des ravages. Entretien avec Soumaïla Dembele, le chef de la division santé de la région Mopti, dans le centre du pays.
Au Mali, le taux de mortalité infanto-juvénile est parmi les plus élevés du monde. Près de 35% des décès sont attribués à la malnutrition. Cette maladie, causée par une carence d’éléments nutritifs dans l’alimentation, apparaît dès le plus jeune âge. Les enfants qui sont sous-nutris ne grandissent pas de façon normale : leur développement cognitif et physique est entravé. De plus, du fait de l’affaiblissement de l’immunité engendré par la malnutrition, ils sont les premières victimes d’autres maladies comme le paludisme. Soumaïla Dembele, le chef de la division santé de la région de Mopti, gère les centres de santé communautaires (premier niveau de prise en charge médicale) de cette zone.
Afrik.com : Quelle est la situation de la région de Mopti en matière de malnutrition ?
Soumaïla Dembele : Le taux de malnutrition dans cette région est de 5,4 contre 5,9% au niveau national. Dans cette zone, les problèmes de pluviométrie ont aggravé la situation. L’insécurité alimentaire combinée à la méconnaissance de cette maladie au sein de la population comptent parmi les causes essentielles de la propagation de la malnutrition. Les aliments riches en vitamines comme la feuille de baobab, les haricots ou encore l’arachide ne sont pas assez produits et consommés par les habitants.
Afrik.com : Avez-vous constaté une augmentation des cas d’enfants malnutris ?
Soumaïla Dembele : C’est une question à double tranchant. Une enquête démographique de santé (EDS) réalisée en 2006 montre que les cas d’enfants sous-nutris sont en augmentation dans cette région. Mais selon les les centres de la santé, ces chiffres sont sous-estimés. Le Mali a fait beaucoup de progrès en matière de dépistage. Les agents de santé, qui se déplacent dans les villages, veillent à la sensibilisation des habitants. Ils leur parlent des aliments à consommer et de l’allaitement exclusif.
Afrik.com : Quelles sont les manifestations de cette maladie ?
Soumaïla Dembele : Il faut savoir qu’il y a plusieurs formes de malnutrition aigüe : la sévère (faible poids par rapport à la taille) et la modérée (retard de croissance) qui est la plus fréquente dans la région de Mopti. Cette maladie affaiblit l’immunité, ce qui favorise d’autres maladies comme la diarrhée, le paludisme.
Afrik.com : Que faire au quotidien pour lutter contre la malnutrition ?
Soumaïla Dembele : L’allaitement naturel exclusif, dès la première heure qui suit la naissance de l’enfant jusqu’à son sixième mois, permet de réduire les risques de cette maladie. Beaucoup de mères donnent de l’eau du marigot en complément du lait à leurs enfants, ce qui n’est pas bon. Les aliments, riches en nutriments, doivent aussi être consommés pour éviter les carences en vitamines et en minéraux, iode et fer. L’hygiène est aussi très importante : il faut se laver régulièrement les mains et donner la ration alimentaire de l’enfant dans un plat individuel.
Afrik.com : Comment la maladie est-elle perçue par la population ?
Soumaïla Dembele : Pour les parents, ce n’est pas une maladie. Ils pensent qu’un oiseau a pris l’esprit de l’enfant. Quand une femme accouche, la belle-mère l’accompagne. Celle-ci est souvent réticente à l’allaitement dès les premières heures de la naissance. C’est perçu comme quelque chose de sale. Elles essayent alors de convaincre la maman que cette pratique nuit à l’enfant.
Afrik.com : Que fait l’Etat malien dans le domaine de la malnutrition ?
Soumaïla Dembele : Le gouvernement s’investit de plus en plus. L’élaboration d’un protocole de la prise en charge de la malnutrition aiguë le prouve. Mais cela reste encore insuffisant. Le budget santé globale est évalué à 5,7%, on est bien loin des 13% promis par les autorités en 2003 lors de la réunion des ministres de la santé de l’Union africaine à Abuja, au Nigeria.