Au Mali, près de la frontière mauritanienne, la découverte de six corps carbonisés et ligotés soulève de nouvelles interrogations sur les agissements de la société militaire privée russe Wagner. Les victimes, identifiées comme des bergers peuls et arabes, auraient été exécutées le 5 novembre lors d’une opération conjointe de l’armée malienne et du groupe paramilitaire Wagner, à proximité de la localité de Nara, proche de la frontière avec la Mauritanie.
Les témoignages et vidéos parvenus à RFI évoquent des corps calcinés, certains décapités, et des villageois effondrés, confrontés à une scène de violence extrême. Ce type d’exaction n’est pas une première pour Wagner en Afrique : le groupe, désormais intégré au « Corps africain » sous contrôle moscovite, est souvent cité dans de graves accusations pour des exécutions sommaires et des représailles sanglantes. En Centrafrique comme en Libye, Wagner a été lié à des meurtres, des tortures et des disparitions, opérant dans une totale opacité et bénéficiant d’une apparente impunité.
Le 5 novembre, selon des sources communautaires et sécuritaires contactées par RFI, une patrouille composée de soldats maliens et de mercenaires de Wagner aurait mené des arrestations dans les localités de Guirdé et de Nourodji. Les bergers interpellés, qui se déplaçaient avec leurs troupeaux, n’étaient pas armés. Le groupe aurait pris le contrôle de l’opération en pleine zone de tension, déjà marquée par les activités des groupes liés à Al-Qaïda, tels que le Jnim. Ces tensions sont en partie responsables d’opérations de représailles répétées qui frappent souvent des civils.
Wagner : un schéma de violence qui se répète
Ces exécutions font écho à d’autres massacres similaires, notamment celui d’Amassine dans la région de Kidal en mai 2024. Lors de cet événement, l’armée malienne et les mercenaires de Wagner auraient tué une trentaine de personnes. Les forces présentes, positionnées auraient ouvert le feu sur des villageois venus s’approvisionner en eau. Le bilan officiel fait état de 29 morts, certaines victimes ayant été égorgées, d’autres immolées dans leurs maisons. Bien que les autorités maliennes aient qualifié les victimes de « terroristes armés », le Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP) a dénoncé une « campagne de nettoyage ethnique systématique » visant les populations touarègue, arabe et peulh.
Une autre opération similaire dans le village de Niamana s’était soldée par la mort d’au moins 13 civils, certains abattus alors qu’ils tentaient de fuir, d’autres égorgés. Ces événements s’inscrivent dans une série d’accusations régulières contre l’armée malienne et le groupe Wagner, appelant à des enquêtes des juridictions internationales et des organisations de défense des droits de l’homme.
Une ombre sur la liberté de la presse au Sahel
La dénonciation par RFI de ces exactions intervient dans un contexte de restriction médiatique croissante au Sahel, où les autorités maliennes, mais aussi celles du Burkina Faso et du Niger, multiplient les mesures pour contrôler la communication autour des événements de sécurité.
Dans une volonté de dominer le récit, les autorités de ces pays ont restreint l’accès aux médias internationaux francophones, considérés comme critiques. RFI elle-même, tout comme France 24, TV5 ou VOA est régulièrement victime de censure. Des mesures qui visent à étouffer les voix qui exposent les violences et les abus sur le terrain.
Un appel au respect des droits humains
Pour les défenseurs des droits humains, ces exécutions rappellent la nécessité d’une surveillance internationale sur les actions de groupes armés comme Wagner. En effet, ces structures sont en liens avec les autorités locales, mais faute de transparence, de sérieux problèmes de responsabilité se posent.
Il revient à la communauté internationale et aux institutions de défense des droits de l’homme de renforcer leurs efforts pour documenter et dénoncer ces abus, malgré les restrictions croissantes.