Assimi Goïta a échappé à une tentative d’assassinat. Cela est une évidence. L’heure est maintenant aux questionnements. En attendant les conclusions de l’enquête en cours, on peut explorer des pistes, hypothétiques certes, mais des pistes tout de même.
« Je vais très bien », a assuré le colonel Assimi Goïta lors d’une adresse aux Maliens au cours du journal de la mi-journée à la télévision nationale. « Quand on est leader, il y a toujours des mécontents, il y a des gens qui à tout moment peuvent vouloir tenter des choses pour déstabiliser, tenter des actions isolées », a-t-il ajouté. Assimi Goïta peut se réjouir d’être encore en vie, sain et sauf, après la tentative d’assassinat dont il a été victime en pleine célébration de l’Aïd al-Adha à la Grande Mosquée de Bamako.
L’assaillant qui, aux dernières nouvelles? serait un enseignant a, en effet, tenté de le poignarder dans le dos. En bon militaire, l’ex-chef d’un bataillon des forces spéciales a eu un réflexe d’auto-défense pour éviter d’être atteint avant que sa sécurité ne maîtrise l’agresseur. Mais qui est vraiment cet assaillant ? Son geste peut-il être rangé au chapitre des « actions isolées » comme l’a dit Assimi Goïta lui-même ou bien travaille-t-il pour quelqu’un ? Quels sont les motifs qui sous-tendent cette attaque ? Assimi Goïta dérange-t-il à ce point ?
Bref, la question est surtout de savoir qui veut la peau du colonel président ? Pour l’instant, ces questions demeurent entières. En attendant que l’enquête en cours nous permette d’en savoir davantage sur l’acte de ce mardi, aucune hypothèse ne doit être écartée, puisque beaucoup de personnes en veulent ou pourraient en vouloir au colonel Assimi Goïta.
Les proches de Bah N’Daw, de Moctar Ouane et même d’IBK
Respectivement Président et Premier ministre de la transition nommés par la junte militaire et écartés seulement huit mois plus tard, le colonel à la retraite, Bah N’Daw, et le diplomate Moctar Ouane ainsi que leurs proches ont des raisons d’en vouloir à Assimi Goïta. Surtout que depuis le 24 mai, les deux hommes ne sont plus libres de leurs mouvements. Arrêtés et conduits au célèbre camp militaire de Kati, le lundi 24 mai, ils ont été libérés trois jours plus tard pour être, depuis lors, assignés à résidence.
Les tentatives de leurs avocats pour leur permettre de recouvrer leur liberté n’ont pour l’instant rien donné. La dernière tentative en date est celle du lundi 19 juillet 2021. En effet, l’ancien ministre de la justice, Me Mamadou Ismaïla Konaté, a envoyé, ce lundi, un courrier au Président Assimi Goïta, pour demander la libération immédiate et sans condition des deux hommes. Il envisage de se tourner vers les juridictions sous-régionales ou vers l’ONU s’il n’obtient pas gain de cause.
Des mécontents, il y en a certainement dans le camp de l’ancien Président, Ibrahim Boubacar Keïta, contraint à la démission en août 2020 par la junte militaire toujours dirigée par Assimi Goïta. Même si IBK était vomi par une grande partie du peuple malien qui, durant des semaines, a réclamé à cor et à cri son départ, il a toujours des partisans dans le pays, qui pourraient toujours chercher à le venger.
La position française est sujette à caution
Dans la soirée de ce mardi, la France, via son ambassade au Mali, a condamné la tentative d’assassinat du Président malien. « La @FranceauMali condamne vivement l’agression contre le Président de la transition, acte choquant survenu de surcroît un jour particulier de paix et de tolérance. La France appelle à la sérénité pour la poursuite de la transition jusqu’à son terme », lit-on sur le compte Twitter de l’ambassade.
Soit ! Mais on se souvient que tout récemment, au lendemain du deuxième putsch perpétré par le colonel Assimi Goïta, la France a fermement condamné l’acte, affichant clairement son opposition au chef de la junte. À l’époque, Paris, qui avait même menacé de se retirer du Mali, a suspendu la coopération militaire avec le pays, avant de revenir sur cette décision quelques jours plus tard.
L’investiture d’Assimi Goïta à la tête du Mali, le 7 juin 2021, a clairement poussé le Président français, Emmanuel Macron, à vite décider de la fin de l’opération Barkhane au Sahel. En effet, seulement trois jours après l’installation d’Assimi Goïta comme président de la République du Mali, Emmanuel Macron monte au créneau pour sonner la fin de Barkhane. Entre autres raisons, le Président français a martelé : « La décision que la CEDEAO a prise de reconnaître un putschiste militaire six mois après lui avoir refusé ce droit crée une mauvaise jurisprudence pour les Africains eux-mêmes (…) pour la CEDEAO elle-même et par le précédent que cela crée chez beaucoup de voisins ».
Pour Paris, Assimi Goïta, quoique très populaire dans son pays, n’est pas l’homme qu’il faut pour présider la transition au Mali. L’autre raison qui sous-tend l’opposition de la France à ce colonel, c’est sa disposition à dialoguer avec les groupes terroristes qui sèment la terreur au Mali.
En somme, Paris n’a pas caché sa farouche opposition à l’accession au pouvoir de ce jeune colonel putschiste, alors que dans le même temps, à quelques milliers de kilomètres de Bamako, un jeune général putschiste aussi, Mahamat Idriss Déby, avait toute la bénédiction de la France pour prendre, en toute illégalité, la succession de son père à la tête du Tchad. Fort de tous ses éléments, il y a tout lieu de penser que la disparition prématurée de ce jeune colonel ne déplairait certainement pas à la France.
Les groupes djihadistes
Même si les colonels se sont montrés, depuis le début, favorables à une discussion avec les groupes djihadistes, il est clair que le fossé est encore très grand entre les deux parties. Puisque l’armée continue de subir des attaques de ces groupes terroristes. Une attaque de leur part contre le Président Assimi Goïta ? L’hypothèse n’est pas à balayer au premier regard.
Dans tous les cas, il faut espérer que l’enquête avance vite et parvienne à fixer les uns et les autres.