La suspension de Joliba TV au Mali, suite aux propos d’Issa Kaou N’Djim contre la junte burkinabè, soulève des questions sur la liberté de la presse et les relations régionales. Cette décision intervient dans un contexte de répression des médias au Mali.
La récente suspension de la chaîne privée Joliba TV au Mali a suscité une vive controverse, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Cette décision, prise par la Haute autorité de la communication (HAC) malienne, soulève de nombreuses questions sur la liberté de la presse et les tensions diplomatiques avec le Burkina Faso. Retour sur une affaire complexe mêlant politique, médias et relations internationales.
Une suspension au cœur d’un conflit diplomatique
Tout commence le 12 novembre dernier, lorsque le Conseil supérieur de la communication du Burkina Faso dépose une plainte contre Joliba TV. La cause ? Des propositions tenues par Issa Kaou N’Djim, une figure politique malienne, lors d’un débat télévisé. Ses déclarations, jugées « gravissimes » par Ouagadougou, critiquaient ouvertement la junte militaire burkinabè, accusant celle-ci de manipuler certaines tentatives de déstabilisation.
Ces paroles ont déclenché une onde de choc, menant à l’arrestation de N’Djim le 13 novembre pour « offense commise publiquement envers un chef d’État étranger ». Alors que son procès est attendu pour le 23 décembre, la HAC malienne a choisi de retirer la licence de Joliba TV, une sanction qui sera effective à partir du 26 novembre.
Un contexte de répression des médias
La suspension de Joliba TV s’inscrit dans un climat de plus en plus hostile envers les médias au Mali. Depuis 2020, année marquée par un coup d’État militaire, le pays a restreint l’accès à plusieurs médias étrangers et emprisonné des journalistes critiques du régime. Ces mesures sont souvent justifiées par les autorités comme nécessaires pour préserver la stabilité nationale.
Le Mali n’est pas seul dans cette dynamique. Avec le Burkina Faso et le Niger, également dirigés par des régimes militaires, le pays forme l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette confédération, censée renforcer la coopération régionale, est aussi le théâtre d’une répression accumulée des libertés fondamentales, notamment celle de la presse.
Réactions et condamnations internationales
La décision de la HAC a été vivement évoquée, notamment par l’Union des journalistes de la presse libre africaine (UJPLA). Dans un communiqué, Noël Yao, président de l’UJPLA, a exprimé son « indignation » face à une mesure qu’il qualifie de « non conforme aux principes démocratiques ». Il a également déclaré une atteinte grave au droit à l’information des citoyens maliens.
Moussa Mara, ancien Premier ministre malien, a lui aussi réagi avec « profonde tristesse » et « inquiétude ». Dans un message publié sur Facebook, il a exhorté le régime malien à garantir et protéger les libertés d’opinion et de presse, qu’il considère comme essentielles à une stabilité durable.
Un impact sur l’image du Mali et ses alliances régionales
La suspension de Joliba TV pourrait avoir des conséquences sur la perception du Mali à l’international. Si ce dernière tente de se positionner comme un acteur clé de la stabilité régionale à travers l’AES, de telles décisions pourraient ternir son image.
En interne, cette affaire risque d’accroître les tensions entre le pouvoir militaire et une société civile déjà préoccupée par la limitation des libertés. Le contrôle croissant des médias alimente un sentiment de méfiance envers les autorités et leur capacité à gérer la transition démocratique promise.