Les régulateurs des télécommunications du Mali, du Niger et du Burkina Faso, réunis à Niamey, ont signé un accord historique abolissant les frais d’itinérance téléphonique entre leurs pays. Cette mesure s’inscrit dans le cadre des initiatives portées par l’Alliance des États du Sahel (AES), créée en 2024. Avec cette suppression, les citoyens de ces trois pays pourront émettre et recevoir des appels et SMS sans surcoût, favorisant ainsi les échanges économiques et sociaux.
Wenlassida Patrice Compaoré, secrétaire exécutif de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) du Burkina Faso, a qualifié cette avancée de « rupture avec les barrières économiques qui freinaient la mobilité ». Il a ajouté que cette mesure répond à une aspiration des populations, confrontées aux coûts élevés des communications transfrontalières.
Une suppression des frais pour rapprocher les peuples
Le protocole signé entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso établit une gratuité totale pour les appels et SMS reçus en itinérance dans la zone AES. « Supprimer ces barrières, c’est affirmer notre volonté d’œuvrer pour un monde connecté où les frontières géographiques ne signifient plus de limites technologiques », a déclaré Compaoré. Cette initiative est perçue comme un moyen de rapprocher les peuples et de stimuler la coopération au sein de la région.
Cette suppression des frais d’itinérance est aussi un symbole fort d’unité dans un contexte marqué par des tensions politiques et sécuritaires. En reliant les citoyens de manière plus directe et abordable, les gouvernements militaires de la région espèrent renforcer leur base de soutien populaire. Créée par les juntes militaires des trois pays en 2024, l’AES représente une tentative de coordination politique et économique dans une région marquée par des défis sécuritaires et des fractures géopolitiques.
L’AES, un projet d’intégration ambitieux
Ensemble, ces trois pays comptent environ 72 millions d’habitants et cherchent à mettre en œuvre des projets communs pour répondre aux besoins de leurs populations. En même temps, cette initiative marque une volonté de s’éloigner de la CEDEAO, que les dirigeants des trois pays perçoivent comme alignée sur des intérêts étrangers, notamment ceux de l’ancienne puissance coloniale, la France. L’accord sur les frais d’itinérance est donc aussi une affirmation de souveraineté et d’indépendance.
La fin des frais d’itinérance aura des répercussions économiques notables pour les citoyens, en particulier les commerçants transfrontaliers et les travailleurs migrants. Ces derniers étaient souvent contraints de limiter leurs communications à cause des coûts prohibitifs. Désormais, ils pourront rester en contact avec leurs familles et leurs partenaires commerciaux sans entraves financières. Sur le plan social, cette décision répond également à la forte demande de connectivité dans une région où les réseaux de télécommunication jouent un rôle croissant.
Levier concret pour renforcer l’interconnexion économique
En abolissant ces frais, les pays de l’AES veulent aussi combler une partie du fossé numérique qui les sépare des autres régions. L’accord signé à Niamey pourrait inspirer d’autres pays africains, en particulier ceux engagés dans des processus d’intégration régionale. Michel Yaovi Galley, directeur général de l’Arcep Togo, invité en tant que représentant d’un « pays frère », a exprimé son enthousiasme à l’idée d’étendre une telle initiative.
Il a rappelé l’accord signé entre le Togo et le Mali en 2023, qui a déjà permis d’abaisser les barrières de communication entre les deux pays. Cette dynamique pourrait motiver d’autres membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) à envisager des politiques similaires. Pour de nombreux observateurs, le « free roaming » représente un levier concret pour renforcer la cohésion et l’interconnexion économique au sein des régions africaines.
La technologie au service de l’intégration
Outre son impact économique, la levée des frais d’itinérance symbolise un engagement technologique au service des citoyens. Les autorités des trois pays estiment que cette mesure facilitera non seulement les communications, mais aussi l’accès à des services numériques transfrontaliers. Dans un contexte où le numérique est un moteur de développement, cette initiative pourrait servir de base à d’autres innovations.
Les applications liées à l’éducation, à la santé et au commerce électronique pourraient également bénéficier d’un accès facilité aux réseaux régionaux. Toutefois, cet accord ambitieux nécessite des mesures techniques et réglementaires. Les opérateurs télécoms devront harmoniser leurs infrastructures pour garantir un service de qualité uniforme dans les trois pays. Des ajustements tarifaires entre les entreprises pourraient également être nécessaires pour compenser la perte des revenus liés à l’itinérance.