Les rebelles du mouvement national de l’indépendance de l’Azawad (MNLA) sont accusés par des membres de l’armée malienne et une partie de la population d’être responsables de la crise au Mali au même titre que les islamistes. Des accusations qu’ils récusent, arguant avoir toujours combattu le terrorisme contrairement aux militaires maliens. Entretien avec Moussa ag Assarid, représentant du MNLA en Europe.
Afrik.com : Vous affirmez avoir interpellé deux responsables d’Ansar Dine et du Mujao. Est-ce une façon pour vous de prouver votre bonne foi à la France ?
Moussa ag Assarid : Nous n’avons rien à prouver. Nous avons toujours combattu le terrorisme. Nous ne nous sommes jamais associés aux terroristes. C’est une certaine presse malienne et étrangère qui nous nuit gravement en nous associant aux groupes terroristes en diffusant de fausses informations. Cela fait plus de dix ans qu’Aqmi est sur notre territoire. Et jamais l’armée malienne ne l’a combattu.
Afrik.com : Alors pourquoi avez-vous signé un accord avec le groupe islamiste Ansar Dine ?
Moussa ag Assarid : Cet accord de principe n’a duré que 24h. Dans cet accord, nous demandions à Ansar Dine de déposer les armes et de présenter un projet politique à la population et de se mettre dans une dynamique de démocratie. Mais au moment de la rédaction du communiqué qui devait rendre publique cet accord de principe, nous avons compris qu’Ansar Dine n’était pas sur la même longueur d’onde que nous. Nous avons donc immédiatement rompu cet accord.
Afrik.com : Mais pourquoi avez-vous cherché à vous allier à Ansar dine ?
Moussa ag Assarid : Nous n’avons jamais cherché à nous allier à Ansar Dine. C’était juste un accord de principe pour qu’ils déposent les armes. Nous voulions qu’il propose leurs idées politiques de manière pacifique.
Afrik.com : Seulement, cet accord a terni l’image des Touaregs qui constituent la majorité du MNLA aux yeux d’une partie de la population malienne…
Moussa ag Assarid : Le problème est que cette partie de la population qui pointe du doigt les Touaregs n’est pas au courant de la réalité. Des journalistes maliens devraient venir sur place pour voir comment les choses se passent plutôt que de rapporter des choses qui ne sont pas la réalité du terrain. Je vous rappelle que le MNLA n’est pas constitué que de Touaregs même s’ils sont majoritaires. Historiquement, dans le subconscient des Maliens, les Touaregs sont des rebelles. Ils se sont révoltés en 1963, puis de 1990 à 1996 également, puis en 2006 et aussi en 2012. Le MNLA est avant tout un mouvement révolutionnaire populaire où il y a des personnes de toutes les communautés, qui se bat pour le bien être de toutes les populations de l’Azawad. Les Touaregs ne sont pas seuls dans l’Azawad. Il y a aussi les Peuls, les Sonrai, les Arabes, les Bozos, les Dogons. La première personnalité du MNLA est un touareg mais la deuxième est un Sonrai.
Afrik.com : Réclamez-vous toujours l’indépendance de l’Azawad ?
Moussa ag Assarid : Nous réclamons l’autodétermination de l’Azawad.
Afrik.com : C’est-à-dire ? Qu’entendez-vous par autodétermination ?
Moussa ag Assarid : Nous allons négocier un statut juridique de l’Azawad. Pour cela, nous sommes prêts à négocier avec les autorités de Bamako.
Afrik.com : Est-ce que cela signifie que vous renoncez à l’indépendance de l’Azawad ?
Moussa ag Assarid : Je ne dirais pas renoncer à l’Azawad. Ce n’est pas de moi que vous entendrez ce terme. Je dis seulement que nous demandons un statut juridique à la communauté internationale et au Mali issue des négociations entre les deux parties. Ensuite on verra… Pour le moment, je ne peux pas en dire plus. Il faut attendre les négociations.
Afrik.com : Que pensez-vous du projet de la décentralisation de l’Azawad que propose certains responsables politiques maliens ?
Moussa ag Assarid : La décentralisation de l’Azawad existe déjà depuis très longtemps ! Mais c’est une décentralisation sans moyens que les autorités de Bamako ont instauré. La plupart des fonds injectés dans notre région sont détournés par les responsables chargés des programmes de développement élus par Bamako. Ces derniers ne reçoivent pas de salaire mais en échange ils sont autorisés à détourner les fonds destinés à l’Azawad comme bon leur semble. Sinon comment expliquer qu’il soient parmi les plus nantis au Mali sans recevoir de rémunération. Et Amadou Toumani Touré a fermé les yeux sur cette corruption dont il était complice. Pour se justifier, il disait : « Je ne peux pas me permettre de punir un chef de famille ».
Afrik.com : L’armée française s’est posée à Kidal et tente de récupérer les otages. En revanche vous refusez que les soldats maliens pénètrent dans Kidal. Pourquoi ? Y-aurait-il eu un accord secret entre vous et la France ?
Moussa ag Assarid : Il n’y a eu aucun accord entre la France et nous. Les militaires français ont affirmé être à Kidal pour lutter contre le terrorisme. Nous les avons accueilli avec joie et leur avons dit que nous étions prêts à combattre ensemble les terroristes. Quant aux militaires maliens, ils savent que s’ils pénètrent à Kidal, nous n’allons pas les accueillir à bras ouvert. Nous voulons avant tout un accord politique. En 12 ans, l’armée malienne n’a jamais combattu les terroristes.
Afrik.com : Qu’attendez-vous de la France?
Moussa ag Assarid : Le MNLA attend de la France qu’elle empêche les armées maliennes et africaines de massacrer des populations civiles azawadiennes telles qu’elles soient et que la vie et les biens des Touaregs et Arabes soient protégés. La France a une bonne part de responsabilité dans le conflit de l’Azawad et elle le sait. C’est une décolonisation inachevée et elle doit rétablir la vérité et la justice. Nous n’avons jamais souhaité faire parti du Mali et ceci bien avant l’indépendance du pays. Dès le début des années 50, les chefs de tribus et de villages souhaitaient l’indépendance de l’Azawad. Aujourd’hui la France peut à tous les niveaux régler les problèmes que rencontrent le Mali : sur le plan politique, sécuritaire, militaire, financier et diplomatique. Il faut qu’elle mette les moyens nécessaires pour régler ce problème.
Afrik.com : Une grande partie de la population malienne estime que vous êtes responsable de la crise dans le pays. Elle vous accuse d’avoir commis des exactions au même titre que les islamistes. Que répondez-vous à cela ?
Moussa ag Assarid : Nous connaissons bien ce type d’accusations. Nous y sommes habitués. C’est de la propagande ! Qu’on nous montre alors la preuve de ces exactions si elles ont eu lieu. Dans un rapport, la Cour pénale internationale (CPI) affirme ne pas détenir de preuves contre le MNLA. De même pour les organisations des droits de l’Homme. En revanche, elles détiennent des preuves d’exactions sommaires commises par l’armée malienne contre les populations touaregs et arabes.
Afrik.com : Tout comme les islamistes, vous vous êtes aussi emparés des principales villes du nord. En agissant de la sorte, ne leur avez-vous pas ouvert le chemin ?
Moussa ag Assarid : Nous ne leur avons pas ouvert le chemin. Ces groupes étaient déjà implantés dans l’Azawad depuis très longtemps. Aqmi est sur le territoire de l’Azawad depuis 2003 et je le répète encore, jamais l’armée malienne ne l’a combattu. De même pour le Mujao qui est arrivé sur le territoire en novembre 2011.
Afrik.com : Et le MNLA dans tout cela ?
Moussa ag Assarid : Quant au MNLA, il est né en octobre 2011. Donc, les narco-terroristes étaient déjà sur le terrain et prenaient des otages. Il y avait une complicité entre l’armée malienne et ces groupes. Nous avons toujours réclamé l’aide de la communauté internationale pour combattre le terrorisme mais elle ne nous a pas aidés. Et Amadou Toumani Touré aurait dû accepter de négocier avec nous dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. On aurait pu trouver une solution. Le système nous a abandonné, ignoré, et a assassiné nos parents sans que justice soit rendue. C’est ce même système qui a laissé Aqmi s’installer sur nos territoires ! Il nous a livré aux terroristes sans nous aider. Et c’est une grave responsabilité.
Afrik.com : Certains, comme le président du Niger Mahamadou Issoufou, reproche également au MNLA de ne pas être représentatif des populations de l’Azawad. Qu’en pensez-vous ?
Moussa ag Assarid : Le MNLA est soutenu par la population dans sa majorité. D’ailleurs la preuve est qu’en janvier dernier nous avons organisé un Congrès et plus de 3 000 personnes se sont déplacées malgré leurs conditions de vie difficiles. Et puis nous n’avons jamais dit que nous représentons toutes les populations de l’Azawad à l’unanimité. D’ailleurs est-ce que les élus locaux à Bamako, eux, sont représentatifs de toutes les populations du Mali ? Nous, nous donnons notre sang et risquons notre vie pour régler les problèmes. Et quand bien même sommes-nous minoritaires, nous avons aussi le droit de vivre et de nous exprimer ! Nous sommes peut-être minoritaires mais nous avons fait trembler le Mali.
Afrik.com : Des responsables maliens affirment avoir injecté de l’argent dans le Nord-Mali. Mais selon eux, ces fonds auraient été détournés par des responsables de la région…
Moussa ag Assarid : Il faut donc les arrêter, les juger comme cela doit se faire dans un pays de droit. Il faut que justice soit faite à ces pauvres populations auxquelles cet argent était destiné. Mais nous aussi nous voyons des villas construites à Bamako.
Afrik.com : Votre combat date de très longtemps. Est-ce que les responsables touaregs n’auraient pas du mal à accepter la domination des Noirs au Mali ?
Moussa ag Assarid : Non pas du tout. La couleur de peau n’a rien à voir avec notre combat. Nous ne menons pas une guerre ethnique. Ce sont les autorités maliennes qui nous collent cette étiquette à la peau. Nous ne voulons aucun mal au peuple malien, nous nous battons juste contre un système.