Mali : « Les jihadistes cherchent l’affrontement avec la France »


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La ville de Diabali, située à environ 400 km du Nord de Bamako, a été prise ce lundi par des jihadistes menés par Abou Zeid, l’un des chefs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Une information qui vient d’être confirmée par Jean-Yves Le Drain, le ministre français des Affaires étrangères. Malgré la force de frappe aérienne française, les islamistes sont plus forts que prévus. La France s’est-elle engagée dans une guerre longue et coûteuse ? Analyses croisées de trois spécialistes du Mali.

La guerre fait rage au Nord-Mali. L’armée française, entrée en guerre vendredi soir, a bombardé dimanche les bastions islamistes de Gao, Tombouctou et Kidal, trois régions administratives du Nord-Mali. Après avoir réussi à reprendre la ville de Konna, à 600 km de Bamako, la capitale du Mali, la coalition a essuyé une défaite ce lundi avec la prise de la ville de Diabali par les jihadistes. Et les troupes françaises comptent d’ores et déjà deux morts dans leur rang. La guerre n’est pas si facile qu’elle n’apparait. Peut-on s’attendre à une guerre longue et coûteuse ?

 Lydie Boka, manager du site Strategico.fr

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« Oui. Aujourd’hui, les rebelles ont pris la ville de Diabali, proche de la Mauritanie. Les islamistes ont les moyens. Au-delà de la victoire, la haine enracinée des jihadistes, qui veulent appliquer la charia, est à craindre. On se rend compte que les islamistes sont mieux formés et armés. Tous leurs moyens ne sont pas connus. On peut s’attendre à une guerre de longue haleine, pas comme en Afghanistan il ne faut pas non plus donner trop d’importance à ces combattants. Ce sont des jeunes qui se battent. Il faudrait les convaincre d’abandonner les armes. Pour ce faire, il faudrait mettre en place des programmes de développement et de l’emploi au Nord-Mali. Plus les jeunes sont désœuvrés, plus écouteront les islamistes. Ainsi qu’une coopération et coordination entre les pays voisins du Mali, comme l’Algérie, le Niger et la Mauritanie, sinon ces terroristes se réfugieront sur leur territoire.»

 Michel Galy, politologue et sociologue

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« On peut s’attendre à une escalade de la guerre. A une guerre longue qui peut s’enliser dans le sable pour s’étendre dans tout le Sahel. L’engagement des troupes françaises pourraient ainsi durer sans en connaître le but précis et la date de sa fin. La France se trouve dans une phase charnière : soit Hollande décide d’une guerre de type néo-colonial sur la durée soit il laisse les forces ouest-africaines et maliennes prendre le relais. En termes militaire, il n’y a pas match. L’armée française dispose d’une aviation (les mirages et hélicoptères d’assaut) et des blindés alors que les islamistes ont des pick-up. Ce qui pourrait être dangereux c’est que la France se mette dans la tête d’envoyer des parachutistes à Gao, Tombouctou et Kidal, les trois régions administratives du Nord-Mali. Essayer de contrôler la région serait très compliqué. Les militaires français peuvent conquérir ces trois villes, mais les islamistes se réfugieront dans le désert et dans les montages. Ce changement de position peut provoquer l’effet de contagion au Niger, en Mauritanie, en Algérie et même dans tout le Sahel. Ce qui déboucherait par une déstabilisation en chaîne entrainant une guerre nomade. L’autre problème qui se pose, est au sol : Hollande a deux options soit il envoie la Force Licorne qui se trouve en Côte d’Ivoire ou alors l’armée française se limite à appuyer l’armée malienne. Ce qui est également dangereux, c’est la présence massive des troupes françaises à Bamako. Parce qu’elles n’ont pas été mandatées par l’ONU. Deux questions s’opposent : est-ce qu’ils (les Français) veulent gouverner le Mali avec une armée et un pouvoir fantoche ou organiser rapidement des élections comme le demande la société civile ? »

 André Bourgeot, chercheur au CNRS

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« Les jihadistes cherchent l’affrontement avec la France et les puissances occidentales. Le scénario d’attentats terroristes est plausible pour faire la démonstration qu’ils peuvent battre les militaires français. Au quel cas, les islamistes pourraient commettre des attentats à Niamey (Niger) ou même à Bamako, afin de déstabiliser le pays. Ce qui créera une psychose et ouvrira la porte à tous les abus. Ils ont tout intérêt que les gens réagissent de façon spontanée que organisée.»

Les islamistes ont menacé, ce lundi, de frapper au cœur de la France. Une information prise très au sérieux par Manuel Valls, le ministre français de l’Intérieur. Le conflit au Nord-Mali « peut inciter des individus ou groupes à commettre des attentats, aussi bien en France qu’à l’étranger », a-t-il affirmé au Parisien. Ce fort risque d’attentats sur le sol français explique le déclenchement du Plan Vigipirate, au niveau rouge depuis 2005.

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