Tombouctou, ville sainte et symbolique pour les musulmans maliens, a été libérée mardi par les armées française et malienne. Cela faisait neuf mois que les islamistes affiliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) contrôlaient cette région administrative du Nord-Mali. Depuis, le désordre règne sur place, où la population pille les magasins supposés appartenir à des « Arabes » et s’en prend physiquement, parfois, à cette population.
Le désordre règne à Tombouctou. La population de cette ville sainte et symbolique des musulmans maliens, qui a retrouvé la liberté mardi, se livre à des pillages des magasins appartenant à des « Arabes ». Les observateurs craignent, également, des exactions sur des Touaregs.
« Des centaines de personnes, visiblement très pauvres, ont attaqué des magasins tenus, selon elles, par « des Arabes », « des Algériens », « des Mauritaniens », accusés d’avoir soutenu les islamistes armés liés à Al-Qaïda à Tombouctou », rapporte LeNouvelObs.com. Et d’ajouter : « Dans certaines boutiques, des munitions et des radios militaires ont été découvertes, a constaté l’AFP. Mais l’essentiel de la population était occupée à se saisir de tout ce qui traînait, télévisions, antennes satellite, nourriture, meubles, vaisselle…» Avant de préciser : « Certains se battaient pour la possession d’objets, d’autres défonçaient les portes métalliques verrouillant les échoppes, dont certaines ont été intégralement vidées en quelques minutes ».
L’armée malienne se venge ?
La ville de Tombouctou, livrée à elle seule, se trouve ainsi dans le désordre. Et la psychose commence à gagner la population. Même à Diabali, dans la région de Ségou (dans le Sud), la confusion règne.
En témoigne l’histoire de ce viel homme barbu, vêtu d’une longue djellabah marron clair, qui a été confondu à un islamiste juste à cause de son allure. Résultat des courses, il a essuyé la semaine dernière plusieurs coups de ceinturon d’un soldat malien, indique France 24 qui l’a interrogé.
Certains spécialistes du Mali craignent que l’armée malienne se livre à des exactions pour se venger de sa défaite militaire en janvier 2012 face à des Touaregs. « La reprise des villes c’est très bien mais le passage de relai à l’armée malienne en évitant les règlements de compte avec les Touaregs va être compliqué », explique à Afrik.com Antoine Glaser, ancien directeur de La Lettre du Continent. « Entre Touaregs et les Arabes, d’un côté, et l’armée malienne de l’autre, il y a une haine réciproque autour des rivalités successives comme en 1963. Une rivalité qui s’exprime en termes très durs tels que : « peau rouge » ou « peau blanche ». Des qualificatifs négatifs pour identifier les Touaregs et les Arabes », nous apprend Michel Galy, politologue et sociologue qui nous confirme la véracité des exactions commises par les militaires maliens.
Les ONG alarmées
La fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a accusé, mardi dernier, l’armée malienne d’avoir commis « une série d’exécutions sommaires » dans l’Ouest et le Centre du Mali, notamment à Sévaré où pas moins de onze personnes auraient été exécutées.
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian a mis en garde les troupes françaises et maliennes. « Il faut être extrêmement vigilant », a-t-il prévenu déclarant qu’ « il y a des risques » que les populations arabes et touaregs soient visées.
Human Rights Watch (HRW) a tiré lundi la sonnette d’alarme, en enjoignant les autorités maliennes de prendre « des mesures immédiates » pour « protéger tous les Maliens de représailles ». L’ONG invoque « des risques élevés de tensions inter-ethniques » dans le Nord.
Maintenant que les principales villes du Nord-Mali sont libérées, le travail de stabilisation doit commencer pour sécuriser ces régions administratives et venir en aide à la population. Des donateurs, réunis ce mardi à Addis Abeba en Ethiopie, ont promis d’allouer 455 millions de dollars au Mali. De son côté, le président de la transition Dioncounda Traoré assure que les élections libres se tiendront d’ici le 31 juillet.