L’armée française a réussi en moins de trois semaines après le début de son intervention au Mali à prendre les villes de Gao et Tombouctou, fiefs des islamistes depuis dix mois. Même si pour le moment la France a pris l’avantage, cela signifie-t-il pour autant que l’ennemi est désarmé ? Le Mali est-il sorti de son bourbier ?
Gao et Tombouctou déjà libérées du joug des islamistes. L’armée française n’a en effet pas lésiné sur les moyens pour reprendre les deux grandes villes stratégiques que contrôlaient les islamistes depuis dix mois. Des forces spéciales, avions de chasse, hélicoptères ont été déployés pour reprendre le contrôle de la zone. Pourtant, au départ, beaucoup d’observateurs estimaient que la bataille de Tombouctou allait sans doute être la plus rude. Les islamistes s’étaient en effet retranchés dans la ville malienne symbolique.
La libération de Tombouctou signifie-t-elle pour autant que Paris a remporté la guerre ? Le président français François Hollande s’est, lui, dit très confiant, arguant « qu’on va gagner cette bataille ! » Pour Jacques Hogard, ex-colonel de l’armée française, « ce n’est pas parce que Tombouctou est libérée que la guerre est finie. » Toutefois précise-t-il, « le rapport de force n’est pas en faveur des islamistes qui ont eu peur et fui ». Ce qui explique la rapidité avec laquelle les troupes françaises se sont emparées de ces principales localités de la région. « Les islamistes ont pris un grand coup et perdu beaucoup d’hommes. Toute leur force est vouée à être détruite ! », analyse l’ex-colonel français.
« Il est facile de gagner la guerre mais difficile de gagner la paix »
La France a pris l’avantage. Mais le Mali n’est pas pour autant sorti du gouffre, selon de multiples observateurs. « Le plus dur reste à faire », estime pour sa part Antoine Glaser, ex-directeur de la Lettre du continent. Certes, pour le moment, toutes les plus importantes villes de la région sont sous le contrôle de l’armée française. « Et Kidal finira aussi par être libérée. Mais il est primordial qu’un dialogue soit mis en place avec les populations du nord. La France doit maintenant assurer la suite car il est facile de gagner la guerre mais difficile de gagner la paix », note Jacques Hogard.
Le mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui a affirmé lundi avoir pris le contrôle de la ville de Kidal, s’est dit prêt à négocier avec les autorités à Bamako. « Nous voulons négocier avec Bamako, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) et toutes les parties impliquées dans ce conflit. Nous demandons toujours l’autodétermination. C’est ce que nous allons revendiquer autour de la table avec le gouvernement du Mali et la communauté internationale », a déclaré lors d’une interview accordée à Afrik.com, le porte-parole du mouvement Moussa ag Assarid. Selon lui, « nous avons un droit qui a été bafoué depuis une cinquantaine d’années. Le MNLA est un mouvement dont est issu toutes les communautés de l’Azawad. Il n’y a pas que des Touaregs. Nous voulons que toutes les régions du Nord-Mali soient développées ».
L’indépendance de l’Azawad est en effet au cœur de toutes les questions. La paix durable au Mali dépendra sans doute du règlement de ce contentieux qui oppose Bamako aux rebelles touareg depuis plus de 50 ans, notent de nombreux observateurs. Pour le moment, les autorités maliennes et françaises ont rejeté la revendication du MNLA, défendant avec hargne l’unité territoriale du Mali. En attendant, l’incompréhension entre les populations du nord et du sud s’amplifie. La méfiance entre les deux parties du pays est d’autant plus grande que des exactions commises par des éléments de l’armée malienne contre des Touareg et arabes ont été signalés par des ONG de défense des droits de l’Homme. La libération de Gao et Tombouctou est sans doute un grand soulagement pour beaucoup. Mais le Mali est loin d’être sortie d’affaire.