Mali : La junte relance les partis politiques, mais à quel prix ?


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Assimi Goïta, président de la Transition du Mali
Assimi Goïta, président de la Transition malienne

Hier, mercredi 10 juillet, la junte militaire au pouvoir au Mali a annoncé la levée de la suspension des activités des partis politiques et des associations à caractère politique. Cette interdiction, imposée en avril, avait suscité de vives critiques tant à l’intérieur du pays qu’à l’international.

Ce revirement de situation intervient trois mois après une période de tensions et de protestations.

Un retour aux activités sous haute surveillance

La décision de lever cette interdiction a été officiellement communiquée par le conseil des ministres, largement contrôlé par les militaires. « Le gouvernement décide de lever la mesure de suspension qui frappait les partis politiques et les activités à caractère politique des associations », peut-on lire dans le communiqué.

Pourtant, ce geste d’ouverture semble s’accompagner de nombreuses réserves. Le contexte reste tendu, avec une opposition qui a été sévèrement réprimée ces derniers mois. En effet, onze présidents de partis et opposants ont été écroués pour complot à la fin juin. Des arrestations qui montrent que la libéralisation politique annoncée pourrait être plus apparente que réelle.

Les raisons de la suspension

En avril dernier, le colonel Assimi Goïta, chef de la junte, avait justifié la suspension des activités politiques par la nécessité de préserver le « dialogue » national en cours sur l’avenir politique du Mali. Accusant les partis de « discussions stériles » et de « subversion », Goïta avait invoqué le danger que leurs activités représentaient pour la stabilité nationale. À cette époque, les partis s’opposaient fermement au maintien des militaires au pouvoir au-delà de mars 2024, date à laquelle la junte s’était engagée à céder la place à des civils.

Un dialogue controversé

Malgré la suspension, le dialogue national s’est poursuivi, principalement avec les soutiens du régime militaire. Les recommandations issues de ces discussions, publiées en mai, ont préconisé un maintien au pouvoir des militaires pour une période de deux à cinq ans supplémentaires. Elles ont également suggéré la candidature du colonel Goïta à une future élection présidentielle. Cette orientation a évidemment renforcé les suspicions quant à la sincérité de la junte dans ses intentions de démocratisation.

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Un contexte sécuritaire et politique complexe

Le Mali reste en proie à une instabilité multidimensionnelle, exacerbée par les conflits avec les groupes armés djihadistes et indépendantistes touaregs. En justifiant la suspension des partis par la lutte contre ces menaces, la junte a cherché à légitimer son contrôle prolongé du pouvoir. Aujourd’hui, avec la reprise des activités politiques, le gouvernement assure que la situation sécuritaire, politique et sociale est maîtrisée.

L’incertitude électorale

Malgré ces assurances, aucun calendrier électoral n’a été défini. Les engagements pris en 2022 par les militaires, sous la pression de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de rendre le pouvoir aux civils après des élections en mars 2024, semblent désormais caducs.

La junte a rompu ses alliances traditionnelles avec la France et l’Europe, et a préféré se tourner vers la Russie pour le soutien militaire et politique. La mission de l’ONU (Minusma) a également été poussée vers la sortie, et l’accord de paix de 2015 avec les groupes indépendantistes du Nord a été dénoncé.

Une opposition réduite au silence

Face à cette situation, l’opposition malienne semble désarmée. Les mesures coercitives, les poursuites judiciaires, les dissolutions d’organisations et la pression d’un discours dominant qui prône l’unité autour de la junte ont considérablement affaibli la capacité de résistance des forces politiques adverses. Le défi pour les partis politiques, désormais autorisés à reprendre leurs activités, sera de manœuvrer dans un environnement toujours dominé par une junte prête à tout pour conserver le pouvoir.

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