
Alors que la transition politique semblait amorcer une sortie de crise, un nouveau front de tensions s’ouvre au Mali. Près d’une centaine de partis politiques s’élèvent contre la junte au pouvoir, qu’ils accusent de vouloir réduire drastiquement, voire dissoudre, l’ensemble du paysage politique.
Une situation qui fait craindre un étouffement de la pluralité démocratique dans un pays déjà fragilisé par l’instabilité.
Un climat politique de plus en plus tendu
Samedi dernier à Bamako, une coalition regroupant près de cent partis politiques a tenu une rare prise de position publique pour alerter sur les risques de dissolution qui pèsent sur eux. Sous haute surveillance policière, les leaders politiques ont dénoncé une volonté manifeste de la junte d’étouffer toute opposition. Leur meeting prévu le lendemain a d’ailleurs été interdit par les autorités. Cette décision a renforcé le sentiment d’une fermeture progressive de l’espace démocratique.
Depuis deux semaines, des consultations, strictement encadrées par le pouvoir militaire, sont en cours pour élaborer une nouvelle charte des partis politiques. Parmi les propositions les plus controversées : la dissolution des partis existants pour ne conserver qu’une poignée de formations favorables à la junte, à l’image des processus déjà observés au Burkina Faso et au Niger voisins.
Des partis politiques dans la ligne de mire
Le gouvernement de transition, dirigé par Assimi Goïta, avance l’argument de la stabilité politique pour justifier cette réorganisation radicale. Toutefois, pour les partis visés, il s’agit d’une manœuvre destinée à concentrer le pouvoir en réduisant au silence toute voix discordante.
La défiance est d’autant plus grande que les militaires n’ont pas respecté leur promesse initiale de restituer le pouvoir aux civils fin mars 2024. Avec une présidentielle sans cesse repoussée et une nouvelle Constitution adoptée en 2023, les inquiétudes sur une confiscation durable du pouvoir se multiplient.
Une charte imposée sans véritable concertation
Autre sujet de discorde : l’opacité des concertations actuelles. Les représentants des partis dénoncent un processus expéditif, sans véritable dialogue ni inclusion. Ils affirment que cet acte s’inscrit dans une stratégie plus large de consolidation du pouvoir militaire, alors même que la situation sécuritaire et économique du pays reste critique. Pour de nombreux observateurs, la réduction drastique du nombre de partis ou leur dissolution risque non seulement d’affaiblir le tissu démocratique, mais aussi d’aggraver la défiance entre gouvernants et gouvernés.
Vers un modèle politique calqué sur les voisins sahéliens ?
Le scénario malien semble de plus en plus s’aligner sur ceux du Burkina Faso et du Niger, où les juntes ont suspendu les partis politiques pour asseoir leur autorité. Au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), à laquelle le Mali appartient désormais, la tentation autoritaire semble devenir une norme de gouvernance.
Face à cette perspective, la coalition malienne des partis politiques tente de résister et d’alerter l’opinion publique nationale et internationale. Mais dans un climat de répression croissante, leur marge de manœuvre apparaît chaque jour un peu plus réduite.