L’ex-Premier ministre malien Cheick Modibo Diarra s’est fait très discret depuis son éviction par la junte. S’il est honni par les politiques, les Maliens eux, réclament son retour pour reprendre les rênes du pays.
Ce n’est pas un hasard si la junte l’a écarté en décembre 2012 des affaires du pays. Cheick Modibo Diarra fait peur. Actuellement, à Bamako, tous ceux qui comptent se faire une place dans la future direction du pays, ne le lâchent pas d’un œil. Ils savent que l’ex-premier ministre a des adeptes bien qu’il ait été mis sur la sellette par le capitaine Amadou Sanogo avec la complicité du président de transition Dioncounda Traoré, qui l’ont contraint à démissionner en décembre dernier.
Cheick Modibo Diarra semblait devenu beaucoup trop encombrant pour l’auteur du coup d’Etat contre Amadou Toumani Touré et le dirigeant provisoire. L’ex-Premier ministre avait pour ambition d’organiser des élections le plus rapidement possible dans le pays, une fois les troupes engagés dans le nord, pour mettre un terme à la menace terroriste. Ce qui n’arrangeait pas les affaires d’Amadou Sanogo qui, lui, voulait poursuivre sa mainmise dans les affaires du pays. Il n’a d’ailleurs jamais caché ses réticences quant à l’intervention de forces étrangères dans le nord malien. Tant qu’en effet les troubles se poursuivaient dans la région, il était sûr d’avoir les cartes en main à Bamako. Quant à Dioncounda Traoré, éloigner son ex-Premier ministre, était un moyen idéal de rester le seul maître à bord de la transition.
Report de la présidentielle non envisageable
Qui sont les adeptes de l’ancien chef du gouvernement ? Les Maliens. A présent, ce sont bien eux qui réclament son retour pour reprendre les rênes du pays, d’après plusieurs sondages, effectués par les médias locaux. Un soutien de taille à quelques mois de l’élection présidentielle, prévue pour juillet. Le régime de transition a d’ailleurs tout mis en œuvre pour la reporter. Mais le projet est vite tombé à l’eau. Paris a été plus que clair : le report de la présidentielle n’est pas envisageable. Un mot d’ordre que le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a rappelé aux autorités de transition lors de sa visite à Bamako, la semaine dernière.
Le défi du scrutin présidentiel est colossal. Regagner la confiance de la population ne sera pas une mince affaire pour ceux qui prétendent accéder à la tête du pays. Avec des instances politiques en lambeaux, une opposition de façade et consensuelle sous le régime du président déchu Amadou Toumani Touré, les Maliens ne savent plus ou donner de la tête.
Calculs politiciens
En tous cas, une chose est sûre. Ils ne sont pas indifférent à Cheick Modibo Diarra, qui suscite l’espoir. L’ex-Premier ministre, rentré vendredi de sa tournée africaine, après l’avoir conclu à Rabat, n’a pas encore annoncé son intention de se présenter au scrutin. Mais il ne l’a pas exclu non plus. Ses divers déplacements sur le continent ces derniers temps sont sans doute un moyen pour lui de rallier le maximum de dirigeants à sa cause. La population malienne, elle, lui fait confiance, convaincue qu’il est l’homme de la situation, espérant faire passer à la trappe tous les anciens du régime. Ceux qui étaient au pouvoir, comme les membres de l’opposition, dont elle tient responsable de la situation actuelle du pays.
Seulement ces derniers sont loin d’être disposés à accueillir à bras ouverts Cheick Modibo Diarra. L’ex-Premier ministre le sait. Il va devoir se préparer à ce qu’on lui mette des bâtons dans les roues pour empêcher son retour politique. La junte, elle, qui craint des représailles s’il accède au pouvoir, mettra tout en œuvre pour le disqualifier. Selon une de nos sources au Mali, « Sanogo craint de se retrouver derrière les verrous si jamais Cheick Modibo Diarra accède au pouvoir ».
Capitaine aux pleins pouvoirs
Bien qu’il soit nommé chef de file de la réforme de l’armée malienne par le régime de transition, le capitaine Sanogo tient toujours les manettes du pays. Le directeur de publication du journal indépendant Le Républicain Boukary Daou en a fait les frais. Lorsqu’il a publié dans son journal une lettre de militants mécontents contre les avantages financiers du chef de la junte depuis qu’il occupe ses nouvelles fonctions, il a été arrêté et placé en détention. Une affaire qui a fait grand bruit dans le pays, poussant plusieurs professionnels des médias à manifester leur mécontentement dans les rues de Bamako. Le responsable du Républicain a finit par être libéré provisoirement. Mais il doit être auditionné mardi prochain par les juges.
Dans ce contexte tendu, il sera difficile pour Cheick Modibo Diarra de revenir dans la sphère politique malienne sans se heurter à des jeunes loups aux dents longues. Comme tout outsider, il n’est pas favori pour la prochaine présidentielle mais ses chances ne sont pas minimes non plus. Et lui au moins, contrairement à ses détracteurs, il a le soutien de la population. Cela sera-t-il suffisant ?