Alors que la junte malienne a satisfait aux principales exigences de la CEDEAO, l’institution sous-régionale tarde encore à lever les sanctions qu’elle a prises contre le Mali depuis le coup d’Etat du 18 août. Que veut encore la CEDEAO ?
La junte militaire conduite par le colonel Assimi GoÏta et qui a mis brutalement fin au mandat du très contesté Ibrahim Boubacar Keïta, Président du Mali, le 18 août dernier, après plusieurs concertations avec les chefs d’Etat de la CEDEAO, a fini par se plier devant les exigences de ces derniers. Conséquence, un militaire à la retraite, donc revenu à la vie civile, Bah N’Daw, et le diplomate Moctar Ouane, sont nommés respectivement Président et Premier ministre de la Transition. La formation du nouveau gouvernement est d’ailleurs attendue pour ce mardi.
Face à ce qu’on peut interpréter comme des preuves de bonne volonté de la part des militaires, la CEDEAO n’a toujours pas levé les sanctions qui pèsent sur le Mali, depuis le 18 août. L’institution ne s’est pas encore prononcée sur sa position après ces différentes nominations, alors que les regards de tous les Maliens sont fixés sur elle. Il semble que la CEDEAO attend toujours la publication de la version finale de la charte, document de base pour la conduite de la transition. Soit.
L’institution n’apprécie pas non plus la nomination du colonel Assimi Goïta à la vice-présidence avec toutes les prérogatives qui sont les siennes. Elle veut aussi voir dissoute la direction de la junte, et libérées ou présentées à la justice les personnes arrêtées et qui sont toujours détenues depuis le 18 août.
Mais les efforts déjà faits par la junte pour satisfaire aux principales exigences de la CEDEAO ne méritent-ils pas que les chefs d’Etat en tiennent compte pour lever rapidement les sanctions qui, manifestement, ne seront pas sans conséquences sur le peuple malien ? A quoi joue la CEDEAO ?
Une CEDEAO impuissante devant certains et toute-puissante devant d’autres
Il y a visiblement une politique de deux poids et deux mesures que l’institution applique à ses pays membres. On est, en effet, en droit de demander pourquoi la CEDEAO n’a pas pris des mesures contre le Togo de Faure Gnassingbé, héritier de la dynastie Gnassingbé, qui, il y a juste quelques mois, a forcé le passage pour un quatrième mandat, n’ayant pas eu froid aux yeux pour sortir les militaires contre la population qui n’a fait qu’exercer son droit en protestant contre ce nouveau mandat. Où était la CEDEAO ?
Et pourquoi ne fait-elle rien non plus contre Alpha Condé, candidat pour un troisième mandat en Guinée ? Où encore contre un certain Alassane Ouattara, apparemment prêt à mettre la Côte d’Ivoire à feu et à sang, juste pour satisfaire sa lubie du troisième mandat ? Alors que dans ces deux pays, la protestation populaire est vive ? Où est la CEDEAO et que fait-elle pendant que le jeune et courageux Président bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embaló, lance à la figure de ces vieux qui tripatouillent la Constitution de leur pays pour se maintenir au pouvoir, en plein sommet des chefs d’Etat, que les troisièmes mandats sont aussi des coups d’Etat ?
A la charge de la CEDEAO encore, dans le cas du Mali, les militaires n’ont fait qu’écourter le mandat d’un chef d’Etat qui avait perdu sa légitimité aux yeux de la plupart de ses compatriotes. On a d’ailleurs vu les Maliens jubiler à la suite de ce putsch, et saluer les militaires en sauveurs. Et c’est là où la CEDEAO se montre les muscles. Là où les chefs d’Etat écrasent la résistance populaire pour se maintenir au pouvoir ad vitam eternam, le syndicat des chefs d’Etat devient sourd-muet et aveugle.
La CEDEAO est attendue pour revoir sa copie, de sorte à appliquer les mêmes règles pour tout le monde. Dans tous les cas, les Maliens attendent la levée rapide des sanctions.