Près 7 millions d’électeurs sont invités aux urnes pour élire leur Président, ce mardi.
Au Malawi l’heure est au vote. Près de 7 millions d’électeurs sont conviés aux urnes pour élire leur chef d’Etat. Les municipales, tout comme les législatives, se déroulent en même temps. Ils devront donc aussi départager les candidats aux 193 sièges de députés. Au total, 4 475 bureaux de vote sont à la disposition des électeurs. Ils fermeront à 18H00 (16H00 GMT) pour ce scrutin précédé d’une campagne relativement pacifique, sauf à la mi-mars lorsque trois personnes – dont un policier – avaient péri lors d’un meeting de Joyce Banda dans le fief de son principal challenger, Peter Mutharika.
Contrairement à beaucoup de pays africains, il n’y aura qu’un seul tour : le futur chef de l’Etat sera désigné à la majorité simple et le résultat est attendu dans huit jours. Il s’agit de la cinquième élection démocratique depuis 1994 et l’instauration du multipartisme au Malawi. Les électeurs devront aussi renouveler 462 conseils municipaux, ce qu’ils n’avaient pas pu faire en 2005 faute d’argent en pleine épisode de famine, ni en 2010 pour des raisons techniques.
La réélection de Joyce Banda pas gagné d’avance
La présidente sortante Joyce Banda sera-t-elle réélu ? Même si elle sort favorite du scrutin à cause de divisions internes au sein de l’opposition éparpillée, la partie n’est pas non plus gagnée d’avance. Elle concourt en effet avec trois sérieux challengers : Atupele Muluzi, 36 ans, fils de l’ancien président Bakili Muluzi, Lazarus Chakwera, 59 ans, chef du parti de l’ancien dictateur Kamuzu Banda, le « père de l’indépendance », qui a régné d’une main de fer de 1964 à 1994, et surtout Peter Mutharika, 74 ans, frère de l’ancien président Bingu wa Mutharika décédé en 2012, pour qui ce scrutin a des allures de revanche. D’après une enquête, il a suggéré à l’armée de mener un coup d’Etat contre Joyce Banda, vice-présidente, et qui selon la Constitution devait succéder au chef d’Etat décédé. Sans succès.
Dès son arrivée au pouvoir, Joyce Banda a voulu incarner le renouveau. Mais c’est sous sa présidence qu’éclate en octobre dernier le plus grand scandale de détournement d’argent public dans l’histoire du Malawi, le « Cashgate », qui a éclaboussé certains de ses ministres, débarqués depuis, et des hauts fonctionnaires. Elle-même est accusé par ses détracteurs d’avoir détourné des fonds publics pour financer sa campagne.
« J’ai nettoyé la corruption »
Elle a tenté de se justifier face à toutes ces affaires lors d’un meeting dimanche. « De fait, c’est ma plus grande réussite », a-t-elle déclaré pour réaffirmer que sans sa volonté est de lutter sérieusement contre la corruption, cela aurait continué. « C’est juste qu’il n’y a eu qu’un seul président assez courageux pour mettre les pieds dans le plat. J’ai réalisé, et on m’a fait observer, que sept mois avant des élections, c’était court pour nettoyer la corruption car les gens qui en profitent ont contre-attaqué, veulent m’abattre », s’est-elle défendue.
Elle a également souligné qu’elle n’avait pas le choix et qu’elle a pris des risques. « Je devais prendre des décisions courageuses », selon elle, alors que ses opposants l’accusent d’avoir détourné de l’argent pour financer sa campagne et que les bailleurs de fonds étrangers ont gelé une partie de leur aide. D’autant qu’elle a imposé une dévaluation du kwacha, la monnaie nationale, qui a fait flamber les prix des denrées de premières nécessités, augmentant le coût de la vie. Même si peu de gens ont une voiture ou l’électricité et qu’on se déplace souvent à vélo au Malawi, les coûts de transport sont très onéreux.
Son prédécesseur Bingu wa Mutharika, très populaire durant son premier mandat (2004-2009), notamment pour sa politique agricole, s’était justement refusé à dévaluer. Ses dernières années de présidence avant son infarctus avaient été assombries par de nombreuses marches anti-gouvernementales et un bain de sang en juillet 2011, quand la police a tiré sur des manifestants, faisant 19 morts. Il avait alors été très critiqué pour cette dérive autoritaire et rendu largement responsable de l’effondrement de l’économie du pays. Désormais la question est de savoir si Joyce Banda sera considérée comme meilleure que son prédécesseur à la tête du pays. La réponse dans huit jours, lorsque les résultats seront dévoilés.