Alors que se profile le deuxième tour de la présidentielle en Guinée prévu le 19 septembre, le climat politique semble de plus en plus tendu. Le Premier ministre, Jean-Marie Doré, et le candidat Alpha Condé sont acculés. L’un pour avoir voulu modifier lundi la Constitution et l’autre pour avoir été accusé par l’ancien chef de la junte, Dadis Camara, d’être l’instigateur des massacres du 28 septembre 2009, à Conakry.
La scène politique guinéenne chancelle. Le chef du gouvernement de transition Jean-Marie Doré a annoncé lundi qu’il souhaitait modifier la Constitution afin de réduire le rôle de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Il propose que l’organisation et la supervision du second tour se fassent « conjointement » avec le ministère de l’Administration du territoire et des affaires politiques pour pouvoir mieux contrôler le scrutin.
Une décision qui a déclenché les foudres de la presse guinéenne. « Le Premier ministre perd la tête », « la folie de grandeur d’un Premier ministre en mal de publicité de Guinée », les critiques se sont enchainées ce week-end contre Jean-Marie Doré.
Déjà accusé d’avoir poussé au report de la tenue du second tour présidentiel, l’homme politique a multiplié les faux pas selon certains de ses détracteurs, bien déterminés à l’évincer du pouvoir.
« Nous demandons le départ de Jean-Marie Doré de la primature parce qu’il a perdu la raison. S’il a des intérêts autres que le bien de la nation, qu’il le dise », a déclaré Oussou Fofana, le directeur de la campagne électorale de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le parti du favori au second tour, l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo.
Même son de cloche au sein de la société civile qui fustige l’attitude du Premier ministre : « On ne doit pas faire n’importe quoi pour faire plaisir à des intérêts égoïstes et sectaires », affirme Fatou Baldé.
Alpha Condé, le cerveau du massacre du 28 septembre ?
Alpha Condé qui a obtenu 18,25% au Premier tour est l’un des rares à ne pas avoir critiqué la proposition du Premier ministre.
« Il faut qu’on organise des élections transparentes en Guinée et la Ceni, seule, ne peut pas le faire. Elle a montré ses limites avec le premier tour », souligne Hadja Saran Daraba, de la Convention démocratique panafricaine (CDP) alliée au Rassemblement du peuple guinéen (RPG) d’Alpha Condé.
Un parti pris qui risque de se retourner contre lui, surtout qu’en ce moment l’opposant se trouve au cœur d’une polémique.
D’après le site d’informations guinéen Africa Guinée, le gouvernement guinéen vient d’interdire la vente et la diffusion d’un DVD où l’on voit l’ancien chef de la junte, le Capitaine Dadis Camara, accuser Alpha Condé d’être l’investigateur de la manifestation et des massacres du 28 septembre 2009 au stade de Conakry.
Pour éviter la circulation de cette vidéo, des arrestations se sont multipliées, sur ordre du Premier ministre de transition, dans de nombreuses villes guinéennes, notamment à Kaloum et Madina.
Des gendarmes, des policiers et des bérets rouges, opérant au nom d’une « hiérarchie », explique le site, « sillonnent les marchés du pays en fouillant systématiquement les marchands de disques. Tout porteur de ce DVD est séquestré et dépouillé de tous ses biens. »
La vidéo où Dadis Camara accuse Alpha Condé
Peu avant cette interdiction, les responsables du RPG d’Alpha Condé ont diffusé un communiqué interdisant formellement la diffusion du DVD et en égratignant au passage les opposants du candidat.
« Diviser pour conquérir : voilà la méthode utilisée par les adversaires d’Alpha Condé. Rien d’anormal de la part de ceux qui ne prétendent pas servir la Guinée, mais s’en servir », souligne le texte.
Au vu des tensions de ces derniers jours, le scrutin du second tour prévu le 19 septembre promet d’être animé.