Après Corpus Christi, la chaîne de télévision ARTE France continue son exploration des religions. Pour la première fois sur le petit écran une série documentaire étalée sur trois jours est consacrée à Mahomet. Youssef Seddik, l’un des auteurs, revient sur cette belle aventure.
Pour la première fois à la télévision, une grande série documentaire est consacrée à Mahomet. Découpée en cinq parties, elle sera diffusée sur Arte trois soirs de suite en prime time. Un film, pour déchiffrer la vie et la parole du prophète de l’Islam, qui a nécessité trois ans de travail. Les trois auteurs, T. Celal, Chema Sarmiento et Youssef Seddik peuvent être fiers du résultat. La série raconte la vie du Prophète (né en 570 de notre ère et mort en 632), la Révélation et la mise en forme du Coran par les premiers califes. Interview de Youssef Seddik, philosophe et anthropologue tunisien.
Afrik : Comment est né le projet de cette série documentaire ?
Youssef Seddik : Au départ, c’est une idée de Jean Rozat (actuel directeur général d’ARTE France, ndlr). Il s’est rendu compte que lorsqu’on évoquait Mahomet, c’était soit en le considérant comme un pauvre bédouin caravanier, soit comme un personnage historique à part entière, mais qu’alors il n’était pas suffisamment perceptible en tant que tel. Il fallait donc combler ce manque. J’ai été vraiment séduit par l’originalité de ce film. Lorsque le projet a été élaboré, on m’a demandé d’assurer l’écriture, les recherches, la construction narrative et j’en ai été très heureux.
Afrik : Comment avez-vous travaillé avec les deux autres auteurs ?
Youssef Seddik : Nous ne nous sommes pas partagé le travail. Pendant les trois ans d’écriture, de tournage, de montage, nous étions tout le temps ensemble. Comme j’étais le seul arabisant, c’est moi qui m’occupais des interviews en arabe, mais c’est tout. Nous travaillions ensemble l’écriture, l’articulation narrative de chaque personnage. Ce film est vraiment un travail d’équipe.
Afrik : Dans le film, vous faites intervenir des gens du peuple…
Youssef Seddik : Mahomet est un sujet délicat. Pour éviter que les non-musulmans prennent notre film pour une apologie et les musulmans pour une profanation, ce fut un vrai casse-tête. En connaisseur de l’Islam chinois, indou, africain et iranien notamment, je me suis rendu compte que les musulmans, qu’ils se trouvent à n’importe quel endroit de la planète, connaissent les mêmes détails de l’histoire du Prophète, et ce dans les mêmes termes. Seules les langues changent. Nous avons donc voulu honorer le peuple pour qu’il raconte cette histoire avec ses mots. Les femmes, les enfants qui ont été filmés n’ont pas été » brieffés » auparavant. Leur participation est totalement spontanée.
Afrik : … aux côtés de dignitaires religieux et d’historiens.
Youssef Seddik : Nous avons fait appel à des dignitaires musulmans, parmi les plus grands muftis du moment, pour qu’ils apportent l’image officielle du fondateur de la religion musulmane. Mais il fallait donner aussi la parole à des gens qui ne sont liés à Mahomet ni par la tendresse (comme le peuple) ni par un dogme (comme les religieux) : les chercheurs. Ils sont là pour ouvrir le débat, poser d’autres questions. Nous avons mis en boîte 200 heures de tournage, toutes valables et il a fallu les réduire à 5 heures. Nous avons été frustrés de devoir omettre de beaux contes, des interventions très intéressantes…
Afrik : Pensez-vous que cette série permettra de porter un autre regard sur la religion musulmane ?
Youssef Seddik : L’Islam a toujours été ignoré, escamoté en Occident. Au départ, c’était les Sarrasins qu’on traitait de moins que rien. Puis le colonialisme a contribué à maintenir une ignorance, criminelle pour l’Humanité, autour de la religion musulmane. Ignorance qui n’est plus de mise aujourd’hui. L’Islam doit être reconnue comme une civilisation à part entière.
Mahomet
, un film de T.Celal, Chema Sarmiento et Youssef Seddik. Réalisé par Chema Sarmiento. Une coproduction ARTE France, Cie des Phares & Balises.
Mardi 29 janvier à 20h45 Vers la Prophétie
à 21h35 La Révélation (suivi à 22h30 de Les chants du prophète, documentaire de Ben Mahmoud, coproduction ARTE France, ArtLine Film, 26mm)
Mercredi 30 janvier à 20h45 Médine et la Loi
Jeudi 31 janvier à 20h45 Le Pouvoir et La Mecque
à 21h35 Le Coran