Rosa Parks est décédée. Celle que l’on surnommait la « mère du mouvement des Droits Civiques », avait initié les combats de défenseurs de la cause noire aux Etats-Unis tels que Martin Luther King ou Malcom X. Elle consacra les dernières années de sa vie à promouvoir la lutte pour les droits civiques auprès des jeunes avec le Rosa and Raymond Parks Institute for Self Development.
L’incarnation du combat anti-ségrégationniste américain non-violent vient de mourir. Rosa Lee Parks s’est éteinte chez elle, ce lundi, à l’âge de 92 ans. Il y a cinquante ans, le destin de cette ancienne couturière, militante de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) et dans une association qui incitait les Noirs à s’inscrire sur les listes électorales, prenait un tournant qui allait la lier à celui de toute la communauté afro-américaine. Montgomery, ville d’Alabama, un des états les plus racistes des Etats-Unis, scène inhabituelle d’un racisme ordinaire. Rosa refuse de se lever pour laisser la place à un Blanc. « Pourquoi tant de persécutions ? – Je l’ignore, mais la loi est la loi et je vous arrête », tel fut l’échange entre Rosa Parks et les policiers venus l’arrêter dans le bus, ce premier décembre 1955. Inculpée pour « conduite désordonnée », elle devra s’acquitter d’une amende de 14 dollars.
L’arrestation de Rosa Parks conduit Martin Luther King, jeune révérend de 26 ans, à appeler au boycott des bus de la ville. Un appel entendu par toute la communauté. La clientèle noire décide alors de se déplacer uniquement à pied, parfois sur des très longues distances, en dépit des intempéries. Des taxis conduits par des Noirs se proposèrent comme substitut, mais ils furent rapidement déclarés hors la loi. Avant ce premier décembre, en payant le même prix qu’un passager blanc, les Noirs devaient s’asseoir à l’arrière du bus aux places « colored »[[<1>En 1892, Homer Plessy, passager métisse, refusa de céder sa place à un Blanc. C’est à la suite du procès entre Plessy et la compagnie de chemins de fer que la Cour Suprême décida d’établir la loi « séparés mais égaux », qui donnait un statut officiel à la ségrégation raciale aux Etats-Unis.]] réservées aux personnes de couleur ; céder sans condition leur place en cas d’affluence et ne devaient jamais prendre place devant ou à côté d’un Blanc, même dans l’espace réservé. Le boycott dura 381 jours, compte tenu de l’importante clientèle noire, 75 % de l’ensemble, il représenta un manque à gagner considérable. Il pris fin le 20 décembre 1956, date à laquelle fut appliqué l’amendement du 13 novembre 1956 de la Cours Suprême des Etats-Unis, déclarant anticonstitutionnelle la ségrégation dans les bus de Montgomery.
« Un acte grandiose »
Parce qu’elle était moralement épuisée par une vie sous le joug de la ségrégation raciale, assise à sa place dûment payée, l’Afro-américaine de 42 ans refusa, en dépit de la loi, de céder sa place à un Blanc. L’acte de naissance de la lutte pour l’égalité des droits civiques entre Noirs et Blancs aux Etats-Unis était signé. « On a souvent dit que j’avais refusé de céder ma place ce jour-là parce que j’étais trop fatiguée, peut-on lire dans son autobiographie, mais ça n’est pas exact. Je n’éprouvais pas un sentiment de fatigue physique, ou du moins pas plus qu’à l’accoutumée après le travail. Ma fatigue était plutôt morale. J’en avais assez de toujours suivre sans protester les ordres des Blancs. » L’histoire a souvent rapporté que la fatigue de Parks avait motivé ce refus. Une manière de ternir le mythe, de réduire le soulèvement national des Noirs des Etats-Unis pour l’égalité des droits civiques à un simple concours de circonstances ? « À l’époque, j’ai très vite compris que ce geste n’était pas fortuit. Il a attiré mon attention sur les combats des Afro-américains et des Africains des Caraïbes », a déclaré, contactée par Afrik, Christiane Taubira, députée de Guyane et auteur de la loi 21 mai 2001 (reconnaissant la traite et l’esclavage comme crimes contre l’Humanité. « C’est un acte grandiose, d’une étoffe humaine extraordinaire. Il est beaucoup plus mobilisateur que les grands actes faits par les géants ».
« Une grande reconnaissance politique »
Le refus d’obtempérer de Rosa Parks n’était bien évidemment pas le premier depuis le début de la ségrégation raciale. D’autres arrestations avaient eu lieu dans les états ségrégationnistes du Sud, mais il semble que celle de Rosa Parks révéla l’ampleur de la révolte du peuple opprimé. Comme beaucoup d’autres Noirs de l’époque, le couple Parks perdit son emploi. En outre, acculé par les menaces, en 1957, il dû déménager à Détroit, au Nord-Est du pays. Mais le mouvement pour l’égalité des droits civiques était né. Porté par le protestant Martin Luther King et le musulman Malcom X (les deux principaux leaders respectivement assassinés en 1965 et 1968), la lutte aboutit, en 1964, au Civil Rights Acts, soit à l’abolition de la ségrégation raciale aux Etats-Unis. « Sa pensée était simple et claire, un matériaux précieux pour la lutte populaire. J’ai pour elle une grande reconnaissance politique », confie Christiane Taubira. Icône de la désobéissance civile, Rosa Parks a donné son nom à de nombreux lieux publics des Etats-Unis.