Un lémurien de Madagascar, de la taille d’un écureuil, a donné aux scientifiques de nouvelles preuves sur les origines du VIH et ouvert de nouvelles pistes de recherche prometteuses.
Robert Shafer, auteur principal des recherches, a expliqué à IRIN/PlusNews que cette découverte était « un des principaux maillons manquants » nécessaires pour comprendre les antécédents évolutionnaires des virus liés au VIH.
L’on s’accorde généralement à dire que les deux souches de VIH susceptibles d’être contractées par l’homme (VIH-1 et VIH-2) lui ont été transmises par des primates d’Afrique, et que ces primates étaient porteurs de la maladie depuis un million d’années, tout au plus. Mais la découverte d’un virus semblable au VIH dans le patrimoine génétique du petit microcèbe, un lémurien minuscule, que l’on ne trouve qu’à Madagascar, est venue bouleverser cette conviction.
Ces nouvelles conclusions, publiées dans les Actes de l’Académie nationale des sciences, le 1er décembre, laissent penser que les lentivirus, la famille de virus à laquelle appartiennent les virus VIH-1 et VIH-2, sont présents chez les primates depuis au moins 14 millions d’années. En ce temps-là, l’île de Madagascar, située dans l’océan Indien, était encore rattachée, pour la dernière fois, à l’Afrique continentale, et la maladie pouvait donc encore être transmise aux lémuriens.
« Notre découverte suppose que les lentivirus des primates existent à Madagascar depuis longtemps et qu’ils circulent peut-être encore là-bas », a expliqué à IRIN/PlusNews Robert Gifford, chercheur spécialiste des maladies infectieuses à la Stanford School of Medicine et directeur des recherches.
« Étant donné que Madagascar a toujours été très isolé tout au long de son histoire évolutionnaire, on ignore comment ces virus pourraient exister à la fois là-bas et en Afrique, à moins qu’ils n’existent en effet depuis plusieurs millions d’années ». Ainsi, les scientifiques pensent aujourd’hui que les lentivirus existent peut-être depuis au moins 50 millions d’années, et qu’ils peuvent être décelés chez les primates des quatre coins de la planète.
Définir les bons contextes écologiques et évolutionnaires
Plus de 25 millions de personnes dans le monde ont succombé des suites d’infections opportunistes liées au sida depuis la découverte du VIH, aux Etats-Unis, il y a 27 ans. Les deux tiers des 33 millions de personnes atteintes du VIH dans le monde vivent en Afrique subsaharienne, mais à ce jour, le taux de prévalence du VIH à Madagascar est resté inférieur à un pour cent.
La prévalence de la syphilis et d’autres maladies sexuellement transmissibles porte néanmoins à croire que le virus pourrait se propager rapidement. Il est peu probable que les conclusions des recherches menées dernièrement à l’université Stanford changent radicalement le cours des recherches sur le VIH et le sida à court terme, mais elles devraient avoir des conséquences majeures sur la compréhension globale qu’ont les scientifiques du virus.
« Si nous voulons un jour réellement comprendre le lien entre les lentivirus et la maladie, évaluer le risque de voir de nouvelles épidémies se déclarer, et exploiter les défenses naturelles du corps pour prévenir et contrôler les infections au VIH, nous devons d’abord définir les bons contextes écologiques et évolutionnaires », a déclaré M. Gifford.
Selon celui-ci, les lentivirus décelés dans le patrimoine génétique du petit microcèbe sont des « fossiles moléculaires », qui montrent à quoi ressemblaient ces virus il y a plusieurs centaines de milliers d’années, voire plusieurs millions d’années. Un aperçu important, puisqu’il permet aux scientifiques de comprendre les fonctions des différents gènes qui composent le virus, et d’évaluer les limites de l’adaptation de ce virus et ses vulnérabilités potentielles ; autant d’informations qui pourraient servir à élaborer de nouvelles méthodes de prévention et de traitement des infections chez l’homme.
Pour M. Gifford, néanmoins, tout cela n’est qu’un début. « Comme beaucoup de choses dans le domaine des sciences, nos conclusions soulèvent autant de questions qu’elles apportent de réponses », a-t-il expliqué. « Mais l’important, c’est qu’elles révèlent quelque chose de nouveau et de complètement inattendu sur le lien évolutionnaire entre les primates et les lentivirus ».