Cette année, tous yeux rivés sur l’écran du radar, en prévision de la saison des cyclones à Madagascar, les autorités et leurs partenaires humanitaires espèrent bien ne pas être pris au dépourvu.
« Nous nous préparons pour la saison des cyclones », a indiqué à IRIN Xavier Leus, Coordinateur résident du Système des Nations Unies à Madagascar. « Donc, la préparation est importante, non seulement pour la prochaine saison des cyclones, mais aussi parce qu’à Madagascar, la question n’est pas de savoir si des cyclones vont s’abattre, mais quand. Ici, les catastrophes sont prévisibles : chaque année, le pays est frappé par des crues et des cyclones ».
La saison des cyclones commence généralement en décembre et se poursuit jusqu’en avril, période à laquelle certaines régions parmi les plus pauvres de cette île de l’Océan Indien sont balayées par des tempêtes. Environ 70 pour cent de la population de Madagascar vit avec moins d’un dollar par jour. Les crues sont également monnaie courante et provoquent le déplacement de milliers de personnes chaque année dans l’ensemble de l’île, y compris dans de vastes zones urbaines telles que Tananarive, la capitale.
Dans le courant de l’année 2008, les cyclones Fame, Jokwe et Ivan se sont abattus sur le pays, faisant plus d’une centaine de morts. Des vents violents, de fortes averses et d’abondantes crues ont touché plus de 340 000 personnes, dont 190 000 se sont trouvées sans abri. En 2007, l’année la plus grave jamais enregistrée, six cyclones ont touché près d’un demi-million d’habitants, essentiellement dans les régions du centre et du nord de l’île ; dans le sud, brûlé par le soleil, la sécheresse persiste depuis plusieurs années.
Investir dans la préparation et la pratique
Madagascar est déjà touché plus fréquemment et plus gravement par les catastrophes naturelles que tout autre pays d’Afrique, et les prévisions ne sont pas bonnes.
« Il est clair que dans le contexte du changement climatique, Madagascar doit se préparer. Les risques importants sont tous liés au climat : les cyclones, les crues et la sécheresse », a indiqué M. Leus.
« Nous devons créer un lien entre la gestion des catastrophes et le changement climatique […] pour pouvoir nous adapter, et mieux gérer l’accroissement du risque ; pour le nord et le centre du pays, cela se traduirait par une augmentation de l’intensité et de la fréquence des cyclones », et pour le sud, par l’aggravation d’une situation de sécheresse chronique déjà préoccupante, a-t-il averti.
S’il est vrai que les événements climatiques extrêmes font depuis toujours partie de l’histoire malgache, les experts de la gestion des catastrophes commencent aujourd’hui à adopter une nouvelle approche pour y faire face. Prenant conscience des lourdes conséquences qu’ont les catastrophes naturelles sur les programmes de développement, ils ont mis de côté leur approche réactive, limitée aux interventions et au rétablissement post-catastrophe, au profit d’une vision plus globale, axée sur la préparation.
« Nous savons quels types d’événements doivent se produire, et où se trouvent les populations vulnérables », a expliqué M. Leus. « Nous pouvons élaborer des scénarios des conséquences possibles [des catastrophes] et nous y préparer, non seulement avant l’événement, mais aussi, pour mieux préparer les opérations de secours, et nous assurer ainsi que les plus vulnérables sont protégés ».
Dans le courant du mois de novembre 2008, sous les auspices du Bureau national de gestion des risques et des catastrophes (BNGRC), une centaine de participants rattachés aux ministères nationaux, aux agences des Nations Unies, et à des organisations non-gouvernementales (ONG) nationales et internationales, ainsi que des représentants des autorités régionales et provinciales, et des membres du secteur privé et de la société civile se sont réunis pour commencer à organiser la saison prochaine.
À l’occasion de cet événement, le colonel Jean Rakotomalala, secrétaire exécutif du BNGRC, a souligné dans son discours d’ouverture le rôle essentiel des mesures de préparation, notamment du plan de contingence, dans les interventions en situation de catastrophe. Le Plan de contingence national et les exercices annuels de simulation de catastrophe ont été reconnus comme essentiels au cours de récentes catastrophes, et sont devenus autant d’exemples de bonnes pratiques à adopter pour minimiser les conséquences des risques liés au climat.
« La force du Plan de contingence malgache repose sur le fait qu’il est testé par des simulations », a indiqué Mateusz Tuniewicz, responsable du plaidoyer et de la communication au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Madagascar.
« La première version a fait l’objet d’une simulation en 2007, pour permettre d’apporter des secours d’urgence aux populations des régions de l’est du pays, frappées par les cyclones ; la simulation de cette année [2008], co-organisée par le Corps de protection civile de Madagascar, le BNGRC et les partenaires humanitaires (et qui doit avoir lieu du 24 au 26 novembre) permettra de simuler l’intervention d’urgence menée en cas de crues, à Mampikony, dans la région de Sophia [dans le nord] », a noté M. Tuniewicz.
M. Leus a également fait remarquer que d’importants progrès avaient été réalisés, en particulier en termes de gestion des conséquences des cyclones, mais qu’il restait « beaucoup à faire pour faire face aux inondations, et encore plus pour ce qui est de la sécheresse ».
Plaider en faveur de la préparation
Si les avantages d’une bonne préparation sont déjà clairs dans les sphères politiques et chez les experts de la gestion des catastrophes, le prochain défi à relever consistera à « intégrer » ces concepts dans tous les ministères, et à sensibiliser les communautés.
Une analyse de rentabilité visant à démontrer les avantages d’un investissement en faveur de la préparation aux catastrophes permettrait, selon M. Leus, de défendre cette approche, les coûts des opérations de rétablissement étant déjà connus : dans une évaluation conjointe des dégâts, des pertes et des besoins, menée par le gouvernement, les agences des Nations Unies et la Banque mondiale après la saison des cyclones 2007-08, les pertes causées par les cyclones avaient été estimées à 334,9 millions de dollars.
Les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage avaient subi les plus graves dégâts, suivis des habitations, de l’administration publique et des transports, pouvait-on lire dans le rapport, selon lequel « ces secteurs sont particulièrement importants pour les moyens de subsistance des populations pauvres de Madagascar, et les répercussions des tempêtes ont augmenté la vulnérabilité de vastes segments de la population ».
Les communautés malgaches « sont frappées par des événements successifs et continuels (cyclones, crues et sécheresse) », a indiqué M. Leus. Cela a gravement réduit leur capacité de survie, ainsi que leurs ressources et les a rendues dépendantes de l’aide externe. « Cela devient une lutte constante et [des communautés entières] sombrent de nouveau dans la pauvreté ».
Photo: UNICEF Madagascar : Le cyclone Ivan a balayé le nord-est de Madagascar en février 2008