Après deux ans de crise, Madagascar est toujours dans l’impasse. Pour sortir le pays de l’isolement, le président de la Haute autorité de transition, Andry Rajoelina, a entamé des visites à l’étranger. Objectif, légitimer son accession au pouvoir auprès de la communauté internationale qui ne le reconnaît toujours pas, depuis le coup d’Etat qu’il a mené contre l’ancien chef d’Etat Marc Ravalomanana, en mars 2009. Une situation qui a mis à mal l’économie.
L’homme fort de Madagascar, Andry Rajoelina, est bien décidé à redorer son blason à l’étranger. Le président de la Haute autorité de transition, dont le régime n’est toujours pas reconnu par la communauté internationale, depuis son accession au pouvoir en mars 2009, après avoir renversé avec l’appui de l’armée Marc Ravalomanana, a entamé depuis vendredi une tournée diplomatique en Turquie et en France. En visite à Paris Jeudi, il s’est entretenu avec le ministre Français des Affaires étrangères, Alain Juppé et le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf. Il a aussi été reçu lundi par le président Turc à l’occasion d’une conférence des Nations Unies (l’ONU) à Istanbul sur les pays les moins avancées de la planète (PMA). Il s’agit des premières visites officielles dans ces pays d’Andry Rajeolina, qui avait toutefois dans un cadre privé rencontré à Paris le secrétaire général de la présidence française, Claude Guéant, l’actuel ministre de l’Intérieur.
Un sommet le 20 mai sur la crise malgache
Pour la délégation présidentielle malgache, ce déplacement en Europe a pour objectif d’effacer, du moins en partie, « l’image d’un isolement diplomatique du régime de la transition dans le concert mondial ». Cette tournée représente donc un enjeu de taille pour Andry Rajoelina, qui souhaite convaincre la communauté internationale de la légitimité de son pouvoir, avant la tenue le 20 mai du sommet de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Elle doit examiner la feuille de route qu’elle a proposée pour mettre un terme à la crise malgache. Au terme de la rencontre entre Alain Juppé et Andry Rajeolina, «la France a réitéré son appui à ce schéma de sortie de crise, sur lequel elle espère une décision, des instances dirigeantes de la SADC», selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero .
Elle a été déjà paraphée par une grande majorité des formations politiques, mais rejetée par les anciens présidents, Didier Ratsiraka, Albert Zafy et Marc Ravalomanana. Ce dernier, en exil en Afrique du Sud, a exprimé ses plus expresses réserves sur cette feuille de route, qui lui recommande de ne pas rentrer à Madagascar jusqu’à l’instauration d’un climat politique et de sécurité favorable.
« Des élections présidentielles avant la fin de l’année »
Le dirigeant malgache a en réalité commencé à faire la cour à la communauté internationale depuis la fin du mois de mars. Il a tenté de mettre en place une ouverture politique avec la nomination d’un gouvernement d’union nationale le 26 mars. Camille Vital, le Premier ministre, a été reconduit dans ses fonctions mais les mouvances des anciens présidents sont très peu représentées dans la nouvelle équipe.
Désormais, l’objectif d’Andry Rajoelina est d’organiser « des élections présidentielles avant la fin de l’année », pour sortir la grande île de l’impasse. « La transition n’a que trop duré ! », a-t-il déclaré à l’hebdomadaire Jeune Afrique lors d’une interview publiée lundi. Le président de la Haute transition qui avait promis en 2010 de ne pas se présenter à sa propre succession n’a pourtant pas renoncé au fauteuil présidentiel. « Je sais que je serai élu président, maintenant ou dans cinq ans. Personne ne peut m’empêcher d’être candidat. Je suis libre de me présenter. Au moment voulu, je déciderai en mon âme et conscience », a-t-il affirmé. Selon lui, s’il avait renoncé à être candidat, c’était avant tout pour favoriser une sortie de crise dans l’objectif d’obtenir la levée des sanctions des bailleurs et un soutien international, qu’il attend toujours. Il n’a pas manqué notamment de narguer son ancien rival Marc Ravalomanana en soulignant que la France ne lui a jamais demandé de ne pas se présenter, « les relations entre nos deux pays se sont d’ailleurs nettement améliorées pendant la transition C’était plus compliqué avec mon prédécesseur », a-t-il affirmé.
Une situation économique toujours chaotique
La crise politique n’est pas la seule maladie du pays. Il est aussi en proie à une grande instabilité économique et sociale. Depuis la prise de pouvoir d’Andry Rajoelina, l’île s’est vue imposer des sanctions économiques par la communauté internationale. Actuellement la Banque mondiale est son principal bailleur de fond. En mars 2010, l’ONU a estimé que près de 70% des Malgaches vivaient en deçà du seuil de pauvreté. l’instabilité politique qui mine le pays depuis plus de dix ans est la conséquence directe de son état actuel.
La situation économique s’est particulièrement détériorée ces dernières années a constaté le Cercle de Réflexion des Economistes de Madagascar (CREM), qui a publié le 1er avril un ouvrage intitulé « Livre blanc » pour tenter de « sauver » le pays. « Madagascar a perdu la place qu’elle occupait au plan international dans les années 80, on était parmi les premiers pays au niveau de l’Afrique, maintenant nous voilà au niveau du Tchad, même l’Ethiopie nous a dépassés », selon l’économiste Hugues Février Rajaonson, qui s’exprimait à l’occasion de la présentation de l’ouvrage, à Antananarive, la capitale du pays. La part des exportations des produits de base a chuté, a-t-il précisé. Le pays, qui n’a pas su se diversifier en faveur de nouvelles activités, fait face à « une fuite massive de capitaux », a-t-il ajouté. Il déplore également la « baisse de qualité des services publics du fait des plans d’ajustement structurels imposés par les institutions financières internationales ».
La stabilisation politique qui est loin d’être gagnée semble plus que jamais inéluctable pour une issue à la crise.