Les deux Français portés disparus il y a dix jours à Madagascar ont bien été tués selon les médecins. Leur meurtre pose la question de l’insécurité qui prend de l’ampleur dans la grande île.
Les médecins sont formels. Gérald Fontaine et Johanna Delahaye, les ressortissants français résidant depuis un an à Madagascar, ont bien été victimes de meurtre. Le couple qui gérait un restaurant dans la ville de Tuléar, au sud-ouest de l’île, avait été porté disparu le 12 avril dernier. Ce jour-là, comme à son habitude, le couple s’était rendu en quad sur la plage de Tuléar, classée en zone rouge par le consulat français et déconseillée en raison de superstitions locales.
Johanna Delahaye, alors enceinte de deux mois, avait été retrouvée sans vie le 16 avril sur cette même plage. « Selon l’autopsie, le corps a été frappé avant d’être jeté à la mer. Il ne s’agit donc pas d’une noyade », avait déclaré la police. Son compagnon a, quant à lui, été retrouvé mort six jours après. Selon la police de Tuléar, le décès du Français « est dû aux blessures qu’il a subies ». Elles remonteraient « à une dizaine de jours ». L’enquête a révélé lundi l’existence d’un gourdin brisé et taché de sang retrouvé sur la plage. Les enquêteurs ont aussi retrouvé le quad du couple, caché dans des buissons, les rétroviseurs cassés. Quatre Malgaches, soupçonnés du double meurtre, ont été placés en garde à vue depuis la semaine dernière et présentés lundi à la justice. Ils clament leur innocence.
Les habitants de Tuléar sont encore sous le choc. Cliff, 29 ans, était un ami de Gérald Fontaine qu’il avait rencontré dans une salle de sport. Selon lui, il était « sociable avec tout le monde, parlait avec tout le monde. Il essayer de s’adapter, c’est ce que je voyais. C’est lui même qui faisait son marché. Il parlait avec les vendeuses », rapporte RFI. Pour Cliff, seule une bande a pu s’en prendre au ressortissant français décrit par tous comme un colosse. « Il est grand, il est balèze, il pèse 105 kilos. Un petit Malgache ne peut pas s’approcher de lui à main nue. Sauf s’ils sont dix. » Dans la ville, certains pensent que Gérard a été victime d’un contrat, d’autres pensent qu’il s’agit d’un vol qui aurait mal tourné.
Escalade de violence
Cette affaire relance la question de l’insécurité qui prend de l’ampleur à Madagascar. Il ne se passe pas une semaine sans que les journaux ne relatent des faits de violences dans la capitale Antananarivo. Toutes les couches de la population, des plus aisées aux plus modestes, sont victimes de ce fléau. Meurtres, agressions, vols à mains armés sont monnaie courante depuis trois ans, date de l’éclatement de la crise politique. Les exemples ne manquent pas. Un retraité nantais s’est fait tranché le bras à coup de sabre en 2009, selon France Soir. En juillet 2010, un Réunionnais qui était installé depuis huit ans dans l’ouest de l’île a été tué d’un coup violent à la tête. En 2011, c’est un sexagénaire qui meurt d’une balle dans la nuque après avoir voulu récupérer ses affaires volées. Cette même année, en septembre, un touriste est violemment agressé à Antsirana. L’homme a reçu plusieurs coups de couteau à la gorge et aux poumons. Par chance, il a survécu à ses blessures.
Face à la recrudescence de ces crimes, l’ambassade de France, sur son site Internet, a incité les ressortissants français à la prudence : « A Madagascar, les risques liés à la criminalité de droit commun ne sont pas négligeables. Les zones inhabitées (y compris les parcs nationaux : parc national de la montagne d’ambre, etc) ou les plages, sont propices aux agressions par des bandes armées, parfois d’une grande violence, de touristes de passage afin de les détrousser (…) »
Un plan de lutte contre l’insécurité
Les autorités malgaches ont annoncé la mise en place d’un plan national de lutte contre l’insécurité. Le meurtre d’un général de la gendarmerie à la retraite et de sa famille, découvert mercredi 4 avril à Antananarivo, avait aussi marqué les esprits. En une semaine, près de 1 500 éléments de la gendarmerie ont été déployés dans la capitale. Le but est de sécuriser tout le territoire, y compris les provinces, les campagnes où l’insécurité pose aussi problème. Pour le général Bruno Razafindrakoto, chef du commandement de la gendarmerie nationale, ces dispositions ne sont pas nouvelles. Il estime que « la gendarmerie a toujours fait de la sécurisation en campagne. Il n’y a pas de particularité. La particularité, ça arrive en fonction du mode d’opération que les bandits sur le terrain adoptent. »
Ce plan de lutte suffira-t-il à enrayer le fléau ? Madagascar, l’un des pays les plus pauvres au monde, est en proie à une grande instabilité politique et à une sévère crise économique. Plus de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Cette montée de l’insécurité est sans nul doute due en partie à la situation politique, économique et sociale qui s’est détériorée ces dernières années.
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