Une violente crise politique, une série de cyclones destructeurs et une sécheresse paralysante sont plus de fatalités que Madagascar, appauvri, ne peut en affronter seul, et pourtant, les bailleurs de fonds ne se laissent pas facilement convaincre d’apporter leur aide.
Bien que la communauté internationale ait condamné le récent changement de gouvernement, proche du coup d’Etat, les organisations humanitaires ont lancé un appel afin de collecter plus de 35,7 millions de dollars « pour empêcher la dégradation de la situation humanitaire », d’après l’Appel d’urgence (Flash appeal) 2009 pour Madagascar lancé le 7 avril par l’Equipe humanitaire pays.
« L’impact dévastateur de la crise actuelle sur les enfants d’Antananarivo [la capitale] se fait chaque jour ressentir davantage », a dit à IRIN Bruno Maes, représentant du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) à Madagascar.
« La crise en est aujourd’hui à son troisième mois ; nous avons constaté ses répercussions sur la sécurité alimentaire des foyers. Nombre des familles les plus vulnérables sont tout simplement incapables, dans les circonstances actuelles, de procurer suffisamment de nourriture, d’eau potable ou de soins à leurs enfants », a ajouté M. Maes.
Une lutte pour le pouvoir prolongée, qui oppose Andry Rajoelina, nouveau dirigeant auto-proclamé de Madagascar, soutenu par l’armée, et le président déchu Marc Ravalomanana, a aggravé une situation déjà difficile pour de nombreuses franges de la population.
D’après le document d’appel, la situation politique a « bouleversé les services sociaux fondamentaux, généré un climat de peur et d’incertitude, et entraîné des retards ou une interruption des services associés à un certain nombre de projets d’aide et de développement dans tout le pays ». Par conséquent, l’attention a été détournée, et les évaluations et interventions retardées, ce qui a « exacerbé les conséquences des cyclones et de la sécheresse ».
Les cyclones « Eric » et « Fanele » ont frappé l’île de l’océan Indien au début de l’année ; « Jade », qui s’est abattu sur le nord de l’île le 6 avril, avant de poursuivre sa route vers le sud, le long du littoral est, tandis que la sécheresse persiste dans le sud.
Le volet politique du problème
La réponse internationale au conflit politique malgache – qui a fait plus de 170 morts et mené l’économie et les structures de gouvernance au point mort – a été celle du désengagement. Plusieurs entités régionales, telles que l’Union africaine et la Communauté de développement de l’Afrique australe, ont suspendu Madagascar, et plusieurs bailleurs de fonds, notamment les Etats-Unis et la Norvège, n’ont pas tardé à mettre un terme à l’aide non humanitaire.
L’accession de M. Rajoelina à la présidence, en tant que chef de la « Haute autorité de transition », a été largement qualifiée d’anticonstitutionnelle ; selon les termes de la Constitution malgache, celui-ci, âgé de 34 ans, est trop jeune pour tenir les rênes du pays. Par ailleurs, le réengagement de la communauté internationale dépendra d’un retour rapide à un gouvernement élu démocratiquement, bien avant les élections prévues en 2011.
Il reste à savoir si de telles élections apaiseront la communauté des bailleurs de fonds. Le 3 avril, au lendemain d’une conférence de deux jours tenue à Antananarivo, la capitale, afin de discuter de l’avenir politique du pays – boycottée par M. Ravalomanana et ses partisans –, M. Rajoelina a annoncé qu’il organiserait une élection présidentielle d’ici octobre 2010.
Les conséquences humanitaires
Pour la population malgache, il est de plus en plus difficile de faire face aux conflits politiques internes. La majorité de la population vit avec moins d’un dollar par jour, et la flambée des prix alimentaires ainsi que les faibles revenus privent la plupart des foyers de nourriture, d’eau, d’assainissement et d’autres services sociaux.
Selon le document d’appel, les crises combinées ont fait passer le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire à quelque 2,5 millions, essentiellement dans les centres urbains, auxquels viennent s’ajouter 880 000 personnes dans le sud du pays, frappé par la sécheresse.
Krystyna Bednarska, directrice du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) à Madagascar, a déclaré : « le PAM est confronté à un déficit de 13 millions de dollars pour répondre aux besoins alimentaires immédiats dans le sud du pays, frappé par la sécheresse, et les centres urbains ».
Dans le sud, l’insécurité alimentaire devrait se détériorer davantage, et le manque de pluie repousser la prochaine récolte de trois mois et la réduire de 40 pourcent.
« La sécurité nutritionnelle est d’ores et déjà extrêmement précaire [dans le sud]. Nous anticipons une détérioration de la situation, et estimons que jusqu’à 250 000 enfants sont actuellement exposés au risque de maladie et de malnutrition », a indiqué M. Maes, de l’UNICEF. « La diarrhée, ou une légère variation de la qualité ou de la quantité de nourriture, pourrait mener les enfants, déjà affaiblis, à la malnutrition sévère et mettre leur vie en danger ».
Luciano Tuseo, responsable de la lutte contre le paludisme et les situations d’urgence au sein de l’Organisation mondiale de la santé à Madagascar, a affirmé que les crises traversées par le pays avaient eu un impact significatif sur l’accès aux soins de santé d’urgence, et plus particulièrement dans les zones rurales. « Cette situation risque d’accélérer la propagation des maladies à court ou moyen terme », a-t-il fait remarquer.
Défis
Madagascar dépend lourdement du financement des donateurs pour son administration. L’isolement politique croissant de la nation insulaire et la décision de certains bailleurs de fonds de suspendre toute aide non humanitaire « promettaient d’affecter encore davantage la capacité du gouvernement à répondre aux besoins de sa population », est-il indiqué dans le document d’appel.
Avant la crise politique, l’aide officielle au développement apportée au secteur public se chiffrait à 600 millions de dollars, et représentait 75 pour cent du budget d’investissement du gouvernement. « Conséquence immédiate de la crise, 200 millions de dollars de cette aide officielle ont d’ores et déjà été gelés, y compris l’ensemble du budget directement alloué au gouvernement », peut-on lire dans le document.
Le gouvernement dispose de suffisamment de réserves pour rémunérer les fonctionnaires jusqu’à fin avril 2009, mais a indiqué qu’il aurait des difficultés à payer au mois de mai.
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les bailleurs de fonds répondront à l’appel, mais la question de savoir si les structures administratives de Madagascar seront ou non en place pour faciliter l’acheminement de toute assistance prochaine soulève déjà des inquiétudes.
« Les retards et/ou suspensions actuels des programmes gouvernementaux associés au fonctionnement réduit de l’administration dû au changement soudain de dirigeants, et la suspension d’une partie de l’assistance internationale ont sévèrement entravé la capacité du gouvernement actuel à répondre aux besoins fondamentaux de la population », souligne le document.
M. Tuseo en a déjà fait la constatation. « Du fait de la désorganisation administrative, le budget national ainsi que d’autres ressources financières, notamment les ressources allouées par les bailleurs de fonds, n’ont pu atteindre tous les échelons du système de santé : les hôpitaux, les districts et les centres de base ».