Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, Abdoulaye Wade a reconnu sa défaite et félicité au téléphone son ancien Premier ministre. D’après les premières tendances, le maire de Fatick l’emporterait avec plus de 60% des suffrages exprimés.
Interrogé à plusieurs reprises sur ce qu’il ferait en cas de défaite, le Président Wade jurait qu’il ne ferait « pas moins » que son prédécesseur Abdou Diouf. L’homme a tenu promesse. Vers 21h30, le téléphone de Macky Sall sonne. Karim Wade est au bout du fil. Il salue Macky Sall et lui passe son père. « Les choses se précisent, tu vas gagner, dit-il. Je te félicite. » « Je vous remercie », lui répond courtoisement Macky Sall. Deux heures plus tard, l’ancien Premier ministre quitte la suite du Radisson, l’un des grands hôtels de la capitale, dans laquelle il se trouve avec quelques proches. Réunie sous une tente dressée dans les jardins du palace, la presse l’attend.
« Ce soir, un résultat est sorti des urnes, lance Macky Sall, entouré par la plupart de ses alliés dont Moustapha Niasse, arrivé troisième au premier tour, le socialiste Ousmane Tanor Dieng et le chanteur Youssou Ndour. Le grand vainqueur, c’est le peuple sénégalais. Nous avons prouvé à la face du monde que notre pays est une démocratie majeure ». Avant de poursuivre : « L’ampleur de cette victoire aux allures de plébiscite exprime l’immensité des attentes des populations. J’en prends toute la mesure. Ce soir, une ère nouvelle commence pour le Sénégal ! »
Au siège du parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), une page aussi se tourne. Une femme est en larmes. « Vous verrez, avertit un jeune militant, d’ici deux ou trois ans les Sénégalais vont déchanter ». Juste derrière lui, quelques femmes, posters du candidat Wade dans la main, semblent accuser le coup. « Une défaite n’est jamais agréable, mais si la défaite vous a été infligée par quelqu’un que vous avez couvé, à qui vous avez confié toutes les responsabilités, cela veut dire que les graines que vous avez semées sont bonnes et que les fruits mûrissent, tente de positiver Serigne Mbacke Ndiaye, porte-parole de la Présidence, au micro de RFI. C’est cela le message qu’il faut retenir ». Doudou Ndir, le président de la commission électorale, voit lui dans cette élection « une preuve de la maturité du peuple sénégalais et de la classe politique ».
D’après les médias locaux, Macky Sall serait crédité, au vu des premières tendances, de plus de 60% des suffrages exprimés. Les résultats officiels ne sont pas attendus avant mardi ou mercredi, mais les résultats égrenés depuis la fermeture des bureaux de vote à 18h par les radios et télévisions donnent Macky Sall, 50 ans, largement en tête dans la plupart d’entre eux. Le maire de Fatick grimpe ensuite dans son 4×4. En apercevant la foule qui l’acclame devant les grilles du parking de l’hôtel, Macky Sall, dont le visage ne laisse d’habitude transparaître aucune émotion, lâche un sourire qui en dit long. Direction son QG de campagne où une foule compacte danse et laisse éclater son bonheur depuis plusieurs heures déjà. D’autres manifestations de joie se déroulent dans différents points de Dakar, notamment à la place de l’Indépendance et à la place de l’Obélisque, deux lieux symboliques des manifestations de l’opposition ces derniers mois.
Accompagné de ses alliés, Macky arrive au QG et s’adresse depuis le toit ouvrant de son véhicule à ses supporters. Accrochés aux branches des arbres ou juchés sur les « cars rapides » bariolés, les Sénégalais veulent apercevoir leur champion. « Nous avons gagné et c’est la victoire de la jeunesse sénégalaise ! », affirme le Président élu. « Vous voulez étudier, vous voulez un emploi. Nous vous avons entendu, assure Macky Sall. Dès la semaine prochaine, nous formerons un gouvernement ensemble pour nous occuper de vos problèmes ». « Il n’est pas triomphal, c’est bien, apprécie un militant installé au balcon du QG de campagne. Il sait que le plus dur commence aujourd’hui ».