Mabiala Ma Nganga : héros oublié de la résistance congolaise


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Mabiala Ma Nganga
Mabiala Ma Nganga

A la fin du XIXe siècle, alors que la colonisation européenne s’étend sur l’Afrique, Mabiala Ma Nganga, chef de terre et guérisseur du royaume Kongo, mène une révolte contre l’envahisseur français. Pendant quatre ans, il parvient à maintenir un blocus sur les routes commerciales entre la côte atlantique et l’intérieur des terres, devenant un symbole de la lutte pour l’indépendance. Portrait d’un homme dont l’héritage reste vivace au XXIe siècle.

Brazzaville, octobre 1896 – En pleine nuit, dans une grotte près du village de Biédi, le chef Mabiala Ma Nganga et ses fidèles opposent une résistance acharnée à l’armée française. Assiégés par les troupes coloniales, ils tentent de repousser l’attaque jusqu’à l’utilisation de la dynamite par l’ennemi. Ce combat de six heures met fin à quatre années de guérilla menées contre l’avancée des Européens sur le territoire du royaume Kongo.

Mabiala Ma Nganga est né dans la région du Nsundi, une province stratégique située dans le nord du royaume Kongo, à cheval sur les actuelles République du Congo et République Démocratique du Congo. Chef influent et guérisseur respecté, Mabiala exerçait son autorité sur les villages et les clans situés le long de la route des caravanes, un axe commercial vital reliant Loango, sur la côte atlantique, au marché intérieur de Nkuna Ntamo (actuelle Brazzaville). Grâce à ses connaissances des plantes médicinales, il fut surnommé « Ma Nganga » (le guérisseur), un titre qui renforça son prestige au sein de sa communauté.

En tant que chef de terre, Mabiala contrôlait le commerce dans cette région densément peuplée et riche en minerais de cuivre. Il prélevait des taxes de transit sur toutes les marchandises, qu’elles proviennent de commerçants locaux ou européens. Cependant, son refus catégorique de voir les habitants de son territoire réduits à l’état de porteurs pour les Européens fit de lui un adversaire redoutable des puissances coloniales. En 1892, à la suite de la mort d’un commerçant européen, il interdit le passage des Européens sur ses terres, entamant ainsi une guerre ouverte contre les Français et leurs compagnies concessionnaires.

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Le blocus imposé par Mabiala Ma Nganga paralyse les échanges commerciaux des Européens, empêchant l’acheminement de produits manufacturés de la côte vers Nkuna Ntamo. Pendant quatre ans, les tentatives des troupes françaises pour briser sa résistance échouent. Ce n’est qu’en octobre 1896, lors de la mission « Congo-Nil » menée par le capitaine Jean-Baptiste Marchand, que les forces coloniales parviennent à localiser la cachette de Mabiala, une grotte près du village de Biédi. Assiégé par les capitaines Marchand et Albert Baratier, Mabiala résiste héroïquement avant d’être vaincu par
des tirs de dynamite. Après sa mort, son corps est décapité et sa tête exhibée dans les villages environnants pour marquer la fin de la révolte.

Portrait reconstitué de Mabiala ma Nganga par Steve Ndoumbe (Aby) et Hassim Tall Boukambou
Portrait reconstitué de Mabiala ma Nganga par Steve Ndoumbe (Aby) et Hassim Tall Boukambou

Malgré cette fin tragique, Mabiala Ma Nganga reste une figure emblématique de la résistance congolaise. Déclaré « héros national » après la révolution des Trois Glorieuses en 1963, son nom est aujourd’hui immortalisé dans plusieurs lieux en République du Congo, dont une école primaire à Brazzaville et une place à Mindouli. Sa mémoire se perpétue également dans les récits oraux, les chants traditionnels et les œuvres artistiques. Le film Révolutionnaire(s), la genèse 1880-1959 d’Hassim Tall Boukambou a récemment contribué à raviver son héritage en reconstituant son portrait, basé sur les archives de la mission Marchand et les témoignages oraux recueillis auprès des descendants de sa lignée.

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