A la tête du programme » e-inclusion « , mis en place par la firme américaine Hewlett-Packard pour brancher le tiers-monde sur la Toile, Lyle Hurst défend une nouvelle stratégie de pénétration des nouvelles technologies sur le Continent noir. A la théorie occidentale » One PC, one person « , l’Afrique vue par Lyle Hurst oppose une société de l’information universelle. Philanthropie ? Non. Il s’agit de business.
Pour Lyle Hurst, Business manager mondial du projet » e-inclusion » de la firme informatique américaine Hewlett-Packard, » il ne s’agit pas de vendre des PC et de l’équipement, mais de faire en sorte que l’information soit ouverte à tous « . Une révolution conceptuelle. Loin d’être philanthropique, le propos est d’abord commercial. Le programme » e-inclusion » vise à connecter les pays du Sud qui restent exclus de la Net-économie. En raison des problèmes récurrents comme les déficits éducatifs et les manques d’infrastructures.
Interview de l’Américain qui veut connecter 1000 villages du tiers-monde.
Afrik : E-inclusion est le programme d’Hewlett-Packard afin de connecter le tiers-monde à la Toile et de prouver que l’Internet constitue une véritable opportunité de développement. Quel en est l’esprit ?
Lyle Hurst : Notre vision, c’est une société de l’information qui touche toute la planète. Pour ce faire, l’information doit être ouverte à tous. Or, l’information ouverte à tous, c’est autre chose que de vendre des PC et de l’équipement. Dans les domaines tels que l’éducation et la santé, il faut avant tout articuler nos politiques sur les gens et ne pas focaliser sur l’équipement. En Afrique, par exemple, un ordinateur connecté dans un village, cela peut déboucher sur plusieurs centaines d’internautes. A condition qu’une personne référence soit formée et apte à transmettre ce qu’elle sait. Second point important : nos actions ne constituent pas des politiques d’aide mais de soutien technologique. Nous n’allons pas sur place seuls avec notre technologie. Là où nous intervenons, il y a un partenariat avec des sociétés locales et/ou des institutions, comme la Sonatel au Sénégal (Société nationale des télécommunications. Ndlr). Il y a des acteurs sur place, on ne fait rien sans eux. Ils ont aussi besoin de nous que nous avons besoin d’eux. Le principe c’est gagnant/gagnant.
Afrik : Par cette distinction entre » aide » et » soutien « , faut-il entendre qu’ e-inclusion est surtout un pari commercial ?
Lyle Hurst : La philanthropie c’est super, mais ça coûte cher. On donne de l’argent et quand les crédits sont coupés, il n’y a plus rien. Si l’objectif est le développement, il est juste de dire que générer du business entre partenaires locaux et internationaux est une stratégie plus viable. Apporter des opportunités commerciales aux entreprises sur place, c’est leur permettre de s’agrandir. Donc de se développer. Donc, de générer des richesses.
Afrik : Et pour Hewlett-Packard, d’être aux premières loges, comme il se doit à tout partenaire privilégié ?
Lyle Hurst : Oui, c’est vrai aussi. Mais si nous voulons développer un marché il nous faut mieux comprendre les pratiques locales. Apporter satisfaction à un client, cela implique que nous comprenions sa culture, sinon cela ne sert à rien d’exporter la technologie américaine. Dans le projet Joko (projet initié en partenariat avec la Sonatel et le chanteur Youssou N’Dour pour développer une dizaine de points d’accès au Sénégal, les » Joko-clubs « . Ndlr), nous tentons d’intégrer ce point essentiel pour l’Afrique qu’est la tradition orale. Cela donne plus de place à l’audio et au visuel dans le contenu. » Joko » qui signifie » lien » implique aussi de créer des relais avec les radios locales et de travailler beaucoup sur les communautés que nous cherchons à toucher, comme les jeunes ou les expatriés.
Afrik : Que vous inspire cette phrase du directeur scientifique français de la fondation Internet nouvelle génération, Jean Michel Cornu : » Pour moi, en inventant Internet, les Américains ont inventé un outil africain » ?
Lyle Hurst : C’est joli et c’est juste. Certes, la technologie est américaine, mais le fait est qu’elle entraîne une sorte de transfert culturel et de modes de pensées du monde entier vers notre pays. Un peu comme un appel d’air. Nos actions dans les pays du Sud nous ont permis de repenser la stratégie » One PC, one person » qui prévaut en Occident. Notre programme Linkos qui consiste à construire une petite maison en préfabriqué dans un village, d’y introduire deux ou trois PC et de former quelques personnes afin qu’elles transmettent leur savoir aux autres, s’inspire largement du concept des points téléphoniques qui existaient déjà. Nous nous sommes seulement saisis d’une pratique culturelle que nous avons adaptée. La seule différence avec le point téléphonique, c’est que c’est » free « .
Afrik : E-Inclusion introduit l’e-business au sein d’activités traditionnelles comme l’artisanat ou l’agriculture. Pouvez vous nous dire quelles sont les principales recettes pour que ça marche et les pièges à éviter ?
Lyle Hurst : Le calice, c’est surtout se garder des règles à graver dans le marbre. Il faut être attentif, observer. A chaque question, une solution commerciale adaptée. De même, pourquoi se limiter à l’artisanat ou l’agriculture, quand on sait qu’Internet est un formidable levier de commercialisation de biens culturels ? Nous avons par exemple mis en ligne plusieurs formations musicales africaines, dont les morceaux peuvent être téléchargés à distance moyennant finances. Même dans un village rural, les richesses produites vont au-delà des simples produits artisanaux et agricoles. Créez des liens entre ces villages et vous multipliez d’autant ces opportunités.