Le cyber-café Espoir fête sa première bougie ce mardi. Il a été construit à l’initiative de l’association burkinabé Solidarité Espoir Vie, qui comptait ainsi collecter de l’argent pour subvenir aux urgences rencontrées par les personnes atteintes du VIH/sida. Après un départ difficile, peut-être dû à la séropositivité de certains employés, le cyber accueille de plus en plus de clients.
Comment lutter contre le sida quand les moyens financiers manquent ? L’association de femmes burkinabés malades du sida Solidarité Espoir Vie (Asev), située à Kaya (Centre, province du Sanmatenga), a mis en place, il y a un an ce mardi, le Cyber café Espoir. Ses fonds servent à financer certaines urgences de l’Asev en matière de lutte contre le sida. L’initiative est noble mais a mis un certain temps avant d’être adoptée par la population. Après quelques mois de sensibilisation, le nombre quotidien de clients a doublé. Tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant, car, en l’attente de subventions, le cyber doit assurer un bonne partie de des dépenses de l’association.
Le coût du cyber café s’élève à sept millions de FCFA et a été financé par l’ambassade des Pays-Bas par le biais du Conseil National de Lutte contre le Sida. Il est abrité dans une maison louée de 20 toles et a commencé à fonctionner officieusement en mai 2003. Mais, alors qu’il n’y a que deux cybers à Kaya, une ville de quelque 34 000 habitants, l’affluence n’était pas au rendez-vous. « Nous avions une quinzaine de clients par jour, surtout des étrangers qui descendaient de Ouaga (la capitale, ndlr) et des étudiants. Je pense que les gens avaient peur parce que c’était une initiative d’une association de malades du VIH/sida. Même s’il y a une bonne connaissance des modes de transmission, il existe une forte discrimination et stigmatisation des personnes infectées dans cette ville. On abandonne parfois les malades, en les mettant dans un coin. Parfois on les nourrit à peine », commente Odile Bassinga Ilboudo, présidente de l’association et initiatrice de l’idée.
Nombre de clients doublé
Alors il a fallu sensibiliser et expliquer à la population qu’il n’y avait aucun risque et aucune raison d’avoir peur. Une action menée par l’Asev et certains de ses partenaires. « Nous avons insisté sur l’importance de ce cyber dans la lutte contre le sida et pourquoi il devait marcher. Nous avons par ailleurs dit aux gens que ce n’est pas parce qu’on est atteint du VIH/sida qu’on doit rester inactif, qu’on ne peut pas avoir une vie normale », poursuit Odile Bassinga Ilboudo. « J’ai souligné que si ce cyber avait été construit, c’était pour venir en aide à des personnes infectées », ajoute pour sa part Mahamadi Ouedraogo, animateur sur la radio Horizon FM et membre de l’association pour l’information citoyenne, qui fait partie, au travers du Réseau Centre-Nord, du Réseau africain des jeunes contre le sida au Burkina Faso (RAJS/BF).
C’est le 30 novembre 2003 que le Cyber café Espoir a officiellement vu le jour. « Ce jour-là, il fallait voir le visage des gens lorsque les personnes infectées ont déclaré leur maladie à la population », se souvient Mahamadi Ouedraogo, qui participe à des animations de sensibilisation avec l’Asev. Après cela, on les évitait dans leur famille, dans la rue, … Cela nous a donné un double travail de sensibilisation. Dans des spots radio, nous avons fait passer deux messages : celui que le cyber café de l’Asev est le moins cher de la ville et que celui qui s’y rend fait une action de soutien aux malades du sida. Il fallait véritablement changer la façon de voir des gens. »
De l’inauguration à février 2004, les visites sont restées sporadiques. Ceux qui s’y rendaient étaient en quelque sorte estampillés : « infecté par le VIH/sida ». Mais après cette période, le nombre de visiteurs est passé à 25 ou 30 par jour. Et des commerçants, qui s’abstenaient jusque-là, viennent même y surfer maintenant. Le coût de la connexion de débit normal revient à 300 FCFA les 15 minutes, soit 1 200 FCFA l’heure. « Le problème est que nous avons des coupures de connexion qui durent parfois longtemps », regrette Odile Bassinga Ilboudo.
Depuis septembre, le cyber paie tous ses frais et ceux de l’Asev
Six personnes, dont quatre salariées (payées entre 13 000 et 25 000 FCFA par mois), assurent le fonctionnement de l’établissement, doté de cinq ordinateurs. Certaines sont séropositives, mais les clients ne savent pas lesquelles. L’idée est qu’ils ne s’intéressent pas à cette différence. Et pour ça, il faut toujours être en forme. « Il faut un personnel de taille, à la hauteur du travail, car si vous vous sentez malade, les gens ne reviendront pas », précise Odile Bassinga Ilboudo.
Or le cyber a besoin de ses clients pour gagner de l’argent. La présidente de l’Asev indique que la moyenne mensuelle des recettes est de 140 000 FCFA. Cet argent est destiné en premier lieu à assurer les urgences en rapport avec le VIH/sida. Les partenaires de l’Asev[[<*>Action pour l’enfance et la santé, Initiative privée communauté, Plan Kaya, le Réseau national des personnes infectées du Burkina et le réseau pour une plus grande implication des personnes vivant avec le VIH]] doivent payer les autres dépenses. « Sur 2004, l’ensemble de l’aide n’excède pas 6 millions de FCFA. Pour ce qui est du terrain, les partenaires financent des activités comme les visites à domicile (un animateur est payé 1 500 FCFA par jour) ou encore la prise en charge des médicaments et de l’alimentation des malades », explique Odile Bassinga Ilboudo.
Le gouvernement traîne pour donner les subventions
Une nouvelle mesure est récemment venue briser cet équilibre. Elle stipule que « l’on ne doit maintenant plus donner de l’argent directement aux associations, mais passer par les ministères, explique Odile Bassinga Ilboudo. Notre dernier trimestre n’a toujours pas été payé et lorsque nous téléphonons pour savoir où en est notre argent, on nous dit de téléphoner le lendemain. Et c’est comme ça tous les jours. Le problème ne situe pas au niveau des partenaires, mais au niveau national à cause des lourdeurs administratives. »
Du coup, « les revenus du cyber paient le personnel du siège de l’association, quelques employés du cyber, l’électricité, l’Onatel (Office National des Télécommunications du Burkina Faso, ndlr), à acheter les médicaments des malades et à les soutenir ou encore les frais de scolarité des enfants dont les parents malades n’ont pas les moyens », énumère précise Odile Bassinga Ilboudo. Sans compter les 15 000 FCFA que donne l’Asev, quand elle en a les moyens, à la radio Horizon FM, pour la diffusion d’un spot publicitaire sur le Cyber café Espoir. Un prix qui se veut solidaire de son action de sensibilisation. « Notre tarif pour les annonces sociales est de 2 000 FCFA le spot. Diffusé cinq fois par jour, cela fait déjà 10 000. Nous avons décidé de diffuser les spots pour le Cyber à 15 000 FCFA pour une diffusion cinq fois par jour pendant le mois entier », explique Mahamadi Ouedraogo.
Les problèmes de trésorerie ne poussent pas beaucoup d’habitants de Kaya à s’investir humainement. Travailler sans avoir la certitude d’être payé à la fin du mois motive peu. Odile Bassinga Ilboudo ne reçoit aucun salaire, mais des aides extérieures lui permettent de tenir bon. « Des amis en France me soutiennent et un de mes frères, en Italie, m’envoie le minimum pour vivre. C’est un sacrifice : tu l’acceptes ou tu laisses. Je ne pourrais pas laisser des gens mourir sans rien faire. Rien qu’en voyant des gens couchés à cause de la maladie, j’en oublie ma propre vie », conclut-elle.
Contacter le Cyber café Espoir
Tél : +000226 40 45 03 44
E-mail : asevsnmt@yahoo.fr ou odilebassinga@yahoo.fr