
Pour la première fois dans l’histoire du tournoi de lutte africaine de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), les femmes ont eu leur propre compétition. Cet événement historique s’est déroulé cette semaine à Abuja, la capitale du Nigeria, et marque une avancée significative pour la reconnaissance du sport féminin en Afrique de l’Ouest.
Vendredi, dans un stade vibrant d’Abuja, des lutteuses venues de toute la région se sont affrontées sous les encouragements du public. Les gestes sont précis, les regards déterminés. Les femmes viennent de faire une entrée tonitruante dans le monde de la lutte africaine demeurée jusque-là la chasse gardée des hommes. Les combats étaient intenses, prouvant que la lutte traditionnelle n’est plus l’apanage des hommes.
« Les femmes savent lutter. Il fallait juste nous donner notre chance », a déclaré Céline Bakayoko, une athlète ivoirienne de 33 ans, professionnelle depuis 2019. Selon elle, la lutte est bien plus qu’un sport : « C’est une pratique innée ».
Un sport historiquement dominé par les hommes
La lutte traditionnelle est une discipline profondément ancrée dans la culture ouest-africaine. Elle fascine les foules, des stades sénégalais aux villages du Niger, où de grands combattants aux physiques imposants s’affrontent. Cette année, cependant, le tournoi de la CEDEAO a innové en incluant une division féminine, attirant des athlètes de divers pays du bloc régional. Le public a répondu présent et a réservé un accueil enthousiaste aux nouvelles combattantes. « Elles ont l’air sérieuses, elles ne semblent pas être là juste pour combler un vide », a remarqué Yussuff Fashola, un spectateur venu assister aux combats.
Si cette compétition représente un progrès majeur pour les lutteuses ouest-africaines, beaucoup soulignent que des efforts restent à faire pour développer la discipline. « Le défi, c’est de faire venir d’autres femmes dans ton équipe, de pouvoir t’entraîner avec elles », a confié Jocelyn Asante, lutteuse ghanéenne.
Garmai Sanghno, athlète libérienne, estime quant à elle que cette expérience a été enrichissante malgré sa défaite. « Ce tournoi m’a permis de développer des compétences qui me serviront dans mes prochaines compétitions », a-t-elle déclaré.
Une absence remarquée des pays de l’AES
Si la compétition féminine a marqué cette édition du tournoi, un autre fait notable a été l’absence de plusieurs nations traditionnellement fortes dans la discipline. Le Niger, tenant du titre de l’année dernière, ainsi que le Mali et le Burkina Faso, n’ont pas participé cette année. Ces pays, désormais réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont quitté la CEDEAO en début d’année après des tensions politiques prolongées avec l’organisation régionale, conséquence du coup d’État de juillet 2023 au Niger.
Lors de la cérémonie d’ouverture du tournoi, les responsables de la CEDEAO ont rappelé l’importance du sport comme facteur d’unité régionale. Abdullahi Ahmed Libata, ancien secrétaire général de la fédération des sports traditionnels du Nigeria, a exprimé son regret : « Le Niger est notre voisin, nous les aimons. Nous sommes pareils, nous avons grandi ensemble ».
Une avancée pour la lutte féminine
En dépit des défis, l’intégration d’une division féminine dans ce prestigieux tournoi représente un pas de géant pour la reconnaissance des femmes dans ce sport ancestral. Reste à voir si cet élan ouvrira la voie à davantage d’opportunités pour les lutteuses ouest-africaines et favorisera la professionnalisation de leur discipline.
Le tournoi de lutte de la CEDEAO s’achève ce samedi 8 mars, une date symbolique, puisque marquant la Journée internationale des droits des femmes. Une manière forte de souligner que, sur le ring comme ailleurs, les femmes ont toute leur place.