Mis en fâcheuse posture par des protestations populaires et les mutineries, Blaise Compaoré reprendrait-il du poil de la bête ? Sa garde rapprochée lui a présenté ses excuses lundi, jour où il a nommé son ambassadeur à Paris, Luc-Adolphe Tiao, Premier ministre. Mais la crise est toujours perceptible au Burkina Faso. A Koudougou, élèves et étudiants ont incendié le siège du parti au pouvoir.
Pour apaiser un Burkina Faso surchauffé, Blaise Compaoré mise sur la communication et la diplomatie. Alors que ses cinq derniers premiers ministres étaient tous des économistes, le Chef de l’Etat burkinabè, en bute à une contestation sociale et militaire, a choisi lundi 18 avril, comme chef de son futur gouvernement, un journaliste-diplomate, Luc-Adolphe Tiao, qui succède au technocrate Tertius Zongo, renvoyé samedi dernier.
Jusque là ambassadeur du Burkina Faso à Paris, Luc-Adolphe Tiao, 57 ans, jamais membre d’un gouvernement de Blaise Compaoré, n’est pourtant pas un illustre inconnu. Journaliste formé à Dakar et au Canada, il est apprécié pour ses qualités professionnelles et jouit d’une bonne réputation auprès des hommes de médias burkinabè, dont il a servi les intérêts au poste du Président du Conseil Supérieur de la Communication, le CSA, burkinabè.
Beaucoup d’attentes déjà
Si cette bonne presse servira sans doute au nouveau Premier ministre, il reste que sa tâche s’annonce immense et difficile. Luc-Adolphe Tiao arrive à la primature alors que la tension est vive. Lundi, le domicile de son prédécesseur ainsi que le siège du parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès, ont été consumés par les flammes incendiaires des élèves et des étudiants de Koudougou, sortis pour exiger justice pour Justin Zongo, un élève mort en février dans des conditions troubles.
Outre la résolution des affaires pendantes en justice, Luc-Adolphe Tiao, est surtout attendu sur le bouillant front social. Frappés de plein fouet par la cherté de la vie, les Burkinabè attendent des réponses vigoureuses et surtout un meilleur partage des fruits de la croissance. « Le problème n’est pas le gouvernement mais la politique de Blaise » se désole un internaute sur le forum du Lefaso.net. « Blaise n’a jamais eu de politique durable, si ce n’est une politique pour conserver son naam (pouvoir en langue mooré). Toute sa politique excluait les pauvres. La croissance économique tant criée sur les différentes ondes ne profite pas au peuple. Voilà pourquoi cette gangrène aujourd’hui », analyse-t-il. Un autre internaute pense détenir le remède : « Il faut réduire le train de vie des ministres, des députés et des maires », propose-t-il. Les réformes politiques constitueront le troisième gros chantier du nouveau chef du gouvernement burkinabè. Déjà, selon certaines indiscrétions, le premier gouvernement Tiao, serait un gouvernement d’ouverture où les anciens barrons du régime Compaoré n’auraient pas droit de cité.
Le mea culpa des mutins de la garde présidentielle
Si Blaise Compaoré en a surpris plus d’un en nommant Luc-Adolphe Tiao, il a aussi frappé un grand coup médiatique hier. Alors que certains de ses adversaires riaient sous cape de le voir trahi par une partie de sa garde, le chef de l’Etat semble avoir convaincu les mutins à se repentir. Dans un communiqué radiotélévisé, lundi, les mutins du régiment de Sécurité Présidentiel ont appelé « leurs frères d’armes à cesser les manifestations » et ont présenté « au peuple, à leurs supérieurs et aux autorités », toutes leurs excuses. Précisant que leur « sortie brusque était sans calcul » autre que de réclamer le versement des arriérés de leurs indemnités de logement et de leurs primes d’alimentation, ils ont surtout dit ceci: « Nous réaffirmons notre respect et notre loyauté à son Excellence Monsieur Blaise Compaoré, Président du Faso, Chef Suprême des Armées. » Le Premier Ministre-communicateur se serait-il déjà mis au travail et doit-on voir sa touche dans cette confession militaire? Grandement remontés contre leur armée, les Burkinabè ont peu apprécié ce mea culpa.
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