Les amoureux de jeux de hasard pourraient faire œuvre utile, dès 2010, en jouant à un Loto ou un Bingo en ligne dont les revenus complèteraient l’aide publique au développement. L’idée a été présentée, jeudi, par le secrétaire d’Etat français à la Coopération, Alain Joyandet.
Cent pour cent des joueurs aideront l’Afrique. Lancer un Loto ou un Bingo en ligne pour soutenir le développement du continent, c’est l’idée qu’a dévoilée, jeudi, Alain Joyandet, le secrétaire d’Etat français à la Coopération. Un projet sur lequel son équipe travaillait depuis un an, dans la perspective de la libéralisation, en 2010, des jeux en ligne qui pour le moment sont le monopole, dans l’Hexagone, de la Française des Jeux et du PMU. Ce nouveau divertissement « spécifique pour l’Afrique » pourrait rapporter « environ 10 millions d’euros par an », estime le secrétaire d’Etat. Il rentrerait dans le cadre des « financements innovants » que les pays de l’OCDE cherchent à mettre en place afin d’accroître l’aide au développement.
L’idée de « loterie humanitaire » (un concept qu’avait élaboré l’ONU dès les années 70) part d’une bonne intention : sensibiliser plus d’habitants des pays riches aux enjeux du développement, et leur permettre d’y contribuer de façon simple et ludique. Parmi ces habitants des nations nanties, sont aussi visés les membres de la diaspora africaine qui, tentant de décrocher le gros lot, contribueraient un peu plus à l’essor de leurs pays d’origine.
Philanthropie ou arnaque?
Une telle démarche n’est pas sans soulever quelques inquiétudes. Servira-t-elle à camoufler les lacunes de l’aide publique au développement (APD) ? Une aide dont la France a promis un accroissement régulier, jusqu’à ce qu’elle atteigne 0,7% de son budget d’ici 2015. « La coopération française ne doit pas être aussi imprévisible qu’une loterie », a déclaré, jeudi, Sébastien Fourmy, le responsable de l’ONG Oxfam France – Agir. « Les financements innovants doivent servir avant tout l’effort de solidarité internationale, de manière additionnelle, pas les carences de l’aide française », a-t-il ajouté, prenant l’exemple des fonds levés pour le programme de lutte contre le VIH-Sida Unitaid, via une taxe sur les billets d’avion. Cette taxe avait été au départ comptabilisée dans un compte à part dans le budget. Mais à partir de cette année, les fonds récoltés ont été intégrés dans le calcul de l’APD française. Une opération qui entraîne l’augmentation mécanique de cette aide, sans effort budgétaire.
Le secrétariat d’Etat à la coopération se défend de vouloir se servir des « financements innovants » pour ménager les caisses de l’Etat et honorer artificiellement ses promesses. « C’est le Comité d’aide au développement de l’OCDE qui nous a demandé d’intégrer les 160 millions d’euros d’Unitaid dans la comptabilité de l’APD », nous a-t-il affirmé. « Nous considérerons toujours que les financements innovants sont additionnels », a-t-il ajouté, assurant que si le jeu voyait le jour les revenus engendrés s’ajouteraient à ceux de l’aide pour le développement.
Et dans quelles poches iraient les fonds récoltés ? Certainement pas aux Etats, affirme la Coopération française, mais « à des ONG et des agences de l’ONU », qui financeraient les projets les plus porteurs. Reste à savoir si, pour le bien de l’Afrique, les donateurs potentiels céderont au démon du jeu.