Comme annoncé au mois de juillet dans les colonnes d’AgoraVox et sur le blog Fusionnisme, la Longue Marche des Harkis a commencé. Depuis le 22 août 2011, la caravane conduite par Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï a quitté son point de départ, la préfecture de Montpellier, avec pour objectif, après 34 étapes à travers le pays, d’entrer dans Paris dans la nuit du 24 au 25 septembre prochains, flambeaux de la mémoire à la main. Pour faire plier Nicolas Sarkozy.
Après avoir assiégé l’Assemblée nationale et le gouvernement sarkozyen pendant près de deux ans et dans des conditions parfois extrêmement difficiles, Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï, fille et fils de Harkis, ont décidé de passer la vitesse supérieure.
« Comme Sarkozy s’obstine à nous ignorer, explique Zohra, nous ripostons en l’accusant plus que jamais de parjure. Nous voulons maintenant coaliser les Harkis et les Pieds-Noirs, ainsi que tous les Français qui ont la mémoire tenace, pour forcer Nicolas Sarkozy à respecter enfin sa parole de 2007. »
De fait, Nicolas Sarkozy, sixième président de la Ve République blanciste, a commis un mensonge d’Etat.
Flash back. Avril 2007. L’ineffable Sarko, alors en grand besoin de voix pour battre son adversaire socialiste Ségolène Royal, ne reculant devant aucun cynisme et pratiquant sans vergogne le mensonge, n’hésite pas à faire vibrer la corde sensible :
« Les Harkis ont cru en la parole de la France, je serai celui qui tiendrai cette parole ». « Si je suis élu, je veux reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des Harkis et d’autres milliers de musulmans français qui lui avaient fait confiance. Afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois. »
Difficile de ne pas relever que pareils accents, hypocrites et électoralement intéressés, font étrangement penser à son illustre devancier, Charles de Gaulle…
D’ailleurs, depuis, le leader de l’UMP, qui a été élu, s’est bien gardé de tenir sa promesse. Hamid Gouraï, en fin juriste, corrige et souligne : « Ce n’est pas une promesse : c’est un engagement. »
On le sait, profonde est la confusion, immenses sont les contradictions qui frappent la classe politique française, dès qu’il s’agit de la « décolonisation », qu’il s’agisse en particulier de celle de l’Algérie ou de l’Afrique subsaharienne…
Résultat, à l’heure qu’il est, alors que la Longue Marche des Harkis devrait bénéficier du soutien de tous les partis politiques français, elle n’a reçu que celui… du Front National !
Pourtant, depuis les origines de leur combat, Hamid Gouraï et Zohra Benguerrah proclament qu’ils appellent tous les soutiens, d’où qu’ils viennent, dans une union sacrée de tous les Français contre le Système de la Ve République. Leur démarche, expliquent-ils, est apolitique, en ce sens qu’elle n’est ni de droite, ni de gauche, mais qu’elle se fonde simplement sur le droit, en particulier les Droits de l’Homme, l’Histoire, ainsi que sur les principes fondateurs de la République, Liberté, Egalité, Fraternité. Et, bien sûr, la mémoire de leurs pères et l’amour de la France, conformément à une certaine idée de la conscience citoyenne.
Zohra le rappelle : « La France, mais aussi l’Afrique, en particulier l’Algérie, ont été bafouées, trahies, exploitées et défigurées par Charles de Gaulle et ses successeurs, notamment Nicolas Sarkozy. »
C’est ainsi que fidèles à une haute conception de l’humanisme, de la dignité humaine et de la France, pendant leur long et parfois très difficile séjour sur la place Edouard Herriot, sous les fenêtres aveugles du Palais-Bourbon, Zohra et Hamid ont accompagné, soutenu et aidé à leur modeste échelle les sans-papiers africains, ouvriers arnaqués, c’est un comble, pendant l’aménagement des nouveaux bâtiments de l’Assemblée nationale… Des déshérités du Système impitoyable de la Ve République blanciste, qui cherchaient, épaulés par la suite notamment par la CGT, à sortir, eux aussi, du mépris d’Etat.
Ce soir, Zohra et Hamid bivouaquent du côté Saint-Pierre-le-Moûtier (Nièvre). Dans leur tente Quechua plantée devant la mairie, sous l’œil de la gendarmerie, ils ont déposé plainte contre le préfet, qui prétend n’avoir jamais reçu leur demande de manifester. En attendant, banderoles et drapeaux tricolores déployés, ils affirment, comme ils le répètent depuis bientôt trois ans d’action ininterrompue, qu’ils iront « jusqu’au bout ».
Il est temps que, fidèle aux encouragements que Marie-George Buffet (PCF), à l’instigation d’André Génissieux (Secrétaire régional du MRAP Languedoc-Roussillon), avait courageusement prodigués dans une lettre aux assiégeurs du Palais Bourbon, il est temps que la Gauche, le Parti Communiste Français, le Parti Socialiste ainsi que les Verts et, pourquoi pas, les partis de l’extrême-gauche trotskiste, apportent leur soutien aux Harkis dans leur lutte contre Nicolas Sarkozy, pour la reconnaissance des mensonges et des crimes de la Ve République blanciste.
La Gauche va-t-elle, une fois de plus, laisser au Front National le monopole de ce qui est bien plus qu’un symbole – comme jadis, on croit rêver, le monopole du drapeau tricolore et de la Marseillaise, pourtant emblèmes de la Révolution française et du peuple soulevé contre la tyrannie ? Alors même que l’élection présidentielle approche, et que les voix seront, comme toujours, âprement comptées. Car selon toutes les études d’opinion, une très large majorité soutient la cause des Harkis…
Reconnaissance de la responsabilité, non pas de la France, mais du gouvernement français, à commencer par son chef, Charles de Gaulle, dans l’holocauste de 60.000 à 200.000 Harkis et Algériens francophiles, ainsi que dans l’exode tragique d’un million de Pieds-Noirs, sur fond de martyre de toute l’Algérie : tel est le combat héroïque de Hamid Gouraï et Zohra Benguerrah.
Qu’il me soit permis d’ajouter, pour ma part : il doit être solennellement reconnu que l’Etat de la Ve République blanciste dirigé par Charles de Gaulle a largué les populations d’Afrique, y compris subsaharienne, en vue de préserver l’Hexagone de la « bougnoulisation » ; mais aussi, en refusant la citoyenneté française (ou franco-africaine) aux Africains et en les dépossédant, au mépris de leur volonté (Loi 60-525), de la démocratie et du cadre protecteur de la République, il a pu mettre en place les conditions du néocolonialisme et l’organiser sans entraves. Les Harkis furent immolés sur l’autel de ce dessein dément et monstrueux. Car ils étaient l’incarnation du rêve de l’unité franco-algérienne et franco-africaine, qu’il fallait, à tout pris, liquider.
En cette rentrée 2012, campagne présidentielle en ligne de mire, tandis qu’à travers Zohra Benguerrah et Hamid Gouraï, les Harkis marchent sur Paris et que la France est plus que jamais sous pression, puisse la Gauche oser défier ce Système tout-puissant qui, jusqu’à présent, tient Nicolas Sarkozy tétanisé.