« Loin du Rwanda », le film choc d’Hubert Sauper


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Le réalisateur autrichien Hubert Sauper, a qui l’on doit déjà l’excellent Cauchemar de Darwin, présente Loin du Rwanda dans le cadre de la semaine du cinéma autrichien à Paris (8 au 14 juin 2005). Un film poignant sur 100 000 Hutus qui, ayant fui le Rwanda après le génocide de 1994 par crainte de représailles, sont retrouvés par hasard au milieu de la jungle par les Nations Unies.

« Le cauchemar de Darwin est une ‘comédie musicale’ à côté de Loin du Rwanda. C’est 20 fois plus dur », a prévenu le réalisateur Hubert Sauper avant la diffusion dudit film, jeudi, dans le cadre de la 2e édition de la Semaine du cinéma autrichien (8 au 14 juin 2005), à Paris. C’est la première fois que ces images sont montrées sous-titrées en français. L’histoire : 100 000 Hutus, ethnie génocidaire, ayant fui le Rwanda après le génocide de 1994 par crainte de représailles, sont retrouvés, par hasard, par les Nations Unies en pleine forêt vierge congolaise. Après trois ans d’exode. Harassés de fatigue, décimés par la maladie et la famine, cibles des différents groupes armés de la région, parmi lesquels les ex-Forces armées rwandaises, les milices Interahamwe ou banyamulengues. Nous sommes en pleine chute du régime Mobutu. Les troupes zaïroises sont en déroute sous la pression des troupes du « Libérateur » Kabila.

« Cela a été les moments les plus durs de ma vie. Personne n’était préparé à cela, explique le réalisateur qui avait entrepris le voyage avec d’autres journalistes, dont Florence Aubenas (aujourd’hui captive en Irak depuis 156 jours). Les seules informations que nous avions étaient que, selon l’ONU, quelques réfugiés avaient été retrouvés par hasard dans la forêt, et qu’une mission était dépêchée sur place pour les récupérer afin de les ramener à Kigali ». Mais la réalité fut tout autre… Suivant la ligne de chemin de fer, fermée depuis 10 ans, les réfugiés sont infiniment plus nombreux. Des personnes qui officiellement n’existent pas. Et qui ont été retrouvées grâce à un avion de l’Onu qui a repéré de la fumée qui sortait des bois.

La faim, l’épuisement et la mort

Cent mille personnes. Colonnes de gens avec leurs maigres effets sur la tête ou dans les bras. Visages émaciés, ils marchent. Encore et toujours, depuis si longtemps. Galerie de portraits. A la vue du train qu’ils croient tous salvateurs, beaucoup lèvent les bras au ciel, saluent l’arrivée des sauveurs. Mais plus loin, le spectacle est moins réjouissant. La faim, l’épuisement, la mort se côtoient autour de vies en sursis. Deux ans, 7 kg, un enfant recroquevillé n’a plus la force de faire quoique ce soit. Un des responsables du « camp » le soulève en le tenant entre le pouce et l’index. Là un autre enfant tient debout en équilibre avec rien que la peau sur les os, on ne sait trop comment. Ses grands yeux vides n’ont plus d’expression.

L’aide onusienne, pourtant urgente, se fait attendre. Problème logistique. La nourriture et les médicaments restent coincés à Kisangani. Les membres de la mission se comptent sur les doigts d’une main. Et les journalistes filment l’ultime détresse d’une vie qui s’en va. Le reportage, tourné en trois demi-journées, souligne les contrastes de deux mondes. Un responsable de l’Onu au double menton dormant du sommeil du juste dans l’appareil apportant les vivres sur Kisangani, le cadran d’une balance qui affiche 29 maigres kilos d’un jeune homme dans une infirmerie de fortune qui n’a plus de médicament à donner aux malades. Un téléphone satellitaire et la poitrine décharnée d’un enfant où l’on voit le cœur battre à fleur de peau.

La vie malgré tout

« Ceci est l’histoire d’un peuple en fuite. C’est un compte de I à X. A la fin du compte, la plupart des gens qui apparaissent dans ce film seront morts. » Le préambule de « Loin du Rwanda » est on ne peut plus clair. Au-delà de la dure réalité, Hubert Sauper réussit à capter la vie dans tout ce chaos. Comme sa collaboratrice qui, armée de son accordéon, apporte un rayon de joie aux enfants qui retrouvent, l’espace d’une chanson, toute leur candeur. C’est encore le sourire des enfants – qui prennent Hubert pour un fou car il filme ici où il n’y a rien à voir- qui insuffle une force de vie au film.

Le 22 avril 1997, l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo (les hommes de Kabila) écrit l’épilogue de l’histoire dans le sang. Elle massacre de nuit et à la mitrailleuse les deux camps de réfugiés qui s’étaient formés en attendant l’Onu. « Le fait que les gens se soient regroupés a facilité la tuerie. Une tuerie qui n’est malheureusement qu’un goutte d’eau par rapport aux plus de 3 millions de morts qu’a fait la guerre en République démocratique du Congo », précise Hubert. Il explique également que ces images n’étaient, à l’origine, pas destinées à être diffusées. Mais qu’il a tenu à les montrer pour exorciser ses souvenirs. Une thérapie audiovisuelle nécessaire pour partager ce dont il a été témoin et dont il reste encore à ce jour très marqué.

 La deuxième et dernière projection du film se déroulera dimanche 12 juin à 19 h au Cinéma des cinéastes à Paris. Une projection qui sera suivi d’un débat avec le réalisateur.

 Cinéma des cinéastes

7 avenue de Clichy

Métro : Place de Clichy

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 Visiter le site de Hubert Sauper

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