La Chine, le Japon et la Corée ont décidé de s’affranchir de la dépendance de Microsoft, en migrant vers le système d’exploitation Linux. Les trois géants asiatiques misent sur les logiciels libres et travaillent ensemble pour créer Asianux. Cette distribution asiatique de Linux sera prête en juin prochain et testée en premier lieu en Corée. Une initiative qui devrait interpeller l’Afrique, relativement absente des grands débats sur le libre.
Par Douglas Mbiandou
Le Japon, la Corée et la Chine disent non à Microsoft. Les trois pays asiatiques travaillent sur un système d’exploitation propre à l’Asie basé sur une solution logiciel libre. Asianux, version asiatique de Linux, devrait être opérationnelle en juin prochain. Les premiers tests s’effectueront à travers un projet de gestion de bases de données de tous les lycéens coréens. Les éditeurs de logiciels des trois des grands piliers de l’économie asiatique ont uni leurs efforts pour créer un standard linuxien pour l’Asie du Sud Est. Les sociétés Hancom Inc (Corée), Red Flag Linux (Chine) et Miracle Linux (Japon) ont annoncé qu’elles seraient prêtes à terminer leurs travaux sur une distribution commune devant définir les standards pour le marché Linux dans leurs pays respectifs. Le produit baptisé Asianux 2.0, dont la première version était annoncée pour l’août 2005, sera déjà prête avec deux mois d’avance. Une logique que n’a pas encore développer le continent africain.
« La distribution Linux Asianux, comparable à SUSE et Red Hat (deux des grandes distributions mondiales Linux, ndlr), sera développée jusqu’à cette date (juin, ndlr). Sa première sortie sera accélérée, vu le délai fixé pour la seconde moitié de l’année en cours pour la mise en oeuvre par le gouvernement coréen d’un projet de base de données de la population des élèves dans les lycées », explique le porte-parole de Hancom. Les éditeurs trouvant que ce serait un excellent test pour leur produit.
S’affranchir de la dépendance à Microsoft
Le parti-pris informatique adopté par les trois pays est de se libérer de la dépendance à Microsoft au niveau des serveurs, donc plus pour les entreprises que le grand public. Les principaux griefs portés à l’encontre de Microsoft résident dans l’opacité des systèmes dont le code source (l’ADN d’une application) reste inaccessible. Impossible donc d’adapter les logiciels à ses besoins ou de maîtriser leur fonctionnement.
Les serveurs linux (donc en open source) sont par ailleurs plus stables, car chaque application est développée et testée par toute une communauté de développeurs pour l’améliorer et corriger les bugs éventuels. Le client ne dépend également plus des mises à jour. Chaque nouvelle version de Windows, oblige aujourd’hui les utilisateurs à suivre pour continuer à bénéficier du support technique du système d’exploitation utilisé : beaucoup d’entreprises sont passées de Windows NT à Windows 2000, car le support associé à Windows NT par Microsoft est de moins en moins effectif.
Le Vénézuela séduit par le libre
La coopération des sociétés asiatiques est un résultat de l’accord passé entre les trois gouvernements des pays respectifs. Selon cet accord, elles doivent supporter les projets communs créés dans le secteur privé visant à créer un système d’exploitation open source personnalisé, en fonction des besoins de cette partie du monde. Le marché du logiciel libre se développe très vite en Asie et notamment en Chine et au Japon. On estime qu’au Japon, qu’il aura une croissance de 20 % par an jusqu’à 2008, pour atteindre 17,8 % de part de marché des systèmes d’exploitation (contre 9% en 2003). Le gouvernement chinois estime, pour sa part, que durant les cinq années à venir le marché de l’open source dans ce pays sera de 46,7 % par an.
Alors que l’Asie crée sa propre distribution de Linux, d’autres pays, développés ou en développement, sont de plus en plus séduits par la démarche open source. A l’image du Vénézuela, dont le chef de l’Etat, Hugo Chavez, a déclenché un plan de migration de toute l’administration publique vers les logiciels libres. Une initiative qui implique de grandes économies au niveau des dépenses publiques (le Venezuela a dépensé, pour la seule année 2004, 7,5 millions de dollars pour payer les redevances de licence). Une initiative qui permet aussi d’être indépendant par rapport aux éditeurs étrangers de logiciels. Selon le ministre vénézuelien de la Planification et du Développement, Felipe Pérez-Marti, chargé de cette migration, 75 % des profits de la vente de logiciels pour l’administration publique au Vénézuela appartiennent aux éditeurs étrangers, 20 % aux sociétés supportées par le capital étranger et seulement 5 % aux développeurs nationaux. L’Afrique, qui ne s’est pas encore positionnée sur le libre, gagnerait sans doute à suivre, de près, l’avancée de tels engagements.
Douglas Mbiandou est directeur technique d’Objis Consulting
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