Lo’Jo s’est offert pour son dernier album, et 25 ans de carrière, une découverte musicale autour de la parole, portée notamment par son pilier, Denis Péan. Cosmophono est un univers instrumental qui se construit sur le rythme des mots. Inédit pour ceux qui découvrent le groupe, tout simplement exclusif pour les fans de cette formation musicale dont le berceau est à Angers, mais que l’Afrique titille. Entretien avec Denis Péan.
Cosmophono, le dernier album de Lo’Jo, est dans les bacs depuis le 23 mars. L’opus du groupe angevin, composé de douze titres, confirme la démarche d’une formation musicale cosmopolite et ambitieuse dans sa quête musicale. Emmenés par Denis Péan, l’homme à la prose poétique, Nadia et Yamina Nid el Mourid, Kham Meslin, Franck Vaillant et Richard Bourreau ont exploré leur gravité. Lo’Jo est ce samedi sur la scène du Bataclan, avant d’entamer une tournée dans toute la France.
Afrik.com : Chaque chanson de Cosmophono vous ouvre, semble-t-il, les portes d’un univers instrumental différent. C’est juste une impression ou c’est voulu ?
Denis Péan : C’est effectivement une volonté. On pourrait comparer cet album à un opéra où chaque chanson correspond à un changement de décor. Cosmophono est une sorte de machinerie instrumentale où chaque mélodie est un théâtre.
Afrik.com : D’aucuns parlent de « souk acoustique » quand il est question de décrire le style Lo’Jo. Quelle est la nature de la nouvelle expérience que vous avez tentée avec Cosmophono ?
Denis Péan : « Souk acoustique », peut-être pour dire qu’on y trouve de tout et que notre musique est assez disparate. Chaque époque transpire ses nouvelles expériences de voyages, de découverte d’instruments. Sur Cosmophono, nous avons en avons utilisé ou exploré de nouveaux : de la trompette pour la première fois, un peu plus de guitare acoustique. Le résultat est moins « clinquant » que d’habitude. Nous avons donné plus de place à la parole. Comme le jour et la nuit, nous avons plusieurs facettes et nous les explorons à chaque fois
Afrik.com : D’où cette gravité qui traverse l’album… Elle est d’autant plus marquée, notamment dans Le Café de la marine, que le contraste entre votre voix et celle des chœurs est parfois saisissant ?
Denis Péan : Les mots sont dits à la manière d’un conteur et les filles (Nadia et Yamina Nid el Mounid, ndlr) sont perçantes, dégagent plus d’émotion. Nous exprimons la même chose avec des tempéraments différents.
Afrik.com : On vous doit le premier Festival du désert qui a accueilli au début des années 2000, près de Tombouctou, des pointures comme Ali Farka Touré, Robert Plant ou encore Tinariwen. Lo’Jo a une affinité toute particulière avec l’Afrique et ses sons. Pourquoi ?
Denis Péan : Peut-être la proximité géographique, une proximité née aussi d’une histoire commune. Il y a dans les musiques africaines un mystère qui leur confère une dimension qui n’existe pas ailleurs. Mon intérêt pour l’Afrique et ses sons est d’ailleurs né bien avant les différents voyages que j’y ai effectués.
Afrik.com : Une carrière de plus d’un quart de siècle vous permet d’avoir un certain recul. Que pensez-vous du paysage musical français ?
Denis Péan : La musique se formate énormément, elle rentre dans des cases toutes faites. On y retrouve moins de fantaisie, il y a de moins en moins d’œuvres exceptionnelles, marginales… La production musicale est conditionnée, notamment par les radios. En musique, il y a des époques plus créatives que d’autres. Nous en traversons une qui l’est moins. D’autres disciplines, comme la littérature enfantine, par exemple, sont plus dynamiques. Il y a une liberté de ton parfois surprenante dans des livres qui s’adressent aux enfants.
Afrik.com : Vous allez souvent vous-même à la rencontre des jeunes…
Denis Péan : Je travaille avec eux et je les trouve très ouverts. C’est une démarche très importante pour moi parce que j’estime que l’on à un rôle social. L’une des façons de le faire est de partager son expérience. C’est d’ailleurs, semble-t-il, intéressant pour les professeurs d’accueillir, un homme un peu bizarre, sans âge qui assume son excentricité. J’apprends beaucoup de ces jeunes qui sont flippés par leurs aînés.
Afrik.com : Dans Cosmophono, vous faites un clin d’œil au slam. Vous parliez de formatage, le slam est-il un souffle nouveau pour la musique ?
Denis Péan : Le slam existe depuis la nuit des temps. C’est une façon de raconter son histoire, accessible aux jeunes, aux vieux, à tous. Le slam est un élan libérateur qui décomplexe tout le monde. Il permet de manifester sa personnalité, de transmettre son propre langage et on remarque, dans les différents évènements autour du slam, qu’il y a du respect entre slameurs.
Afrik.com : Le dernier titre de votre album, La liberté, frappe par son ton et son titre. De quoi est-il question ?
Denis Péan : Je parle de Mustapha, qui errait dans les rues d’Angers, comme abandonné par les dieux. Il avait l’habitude de parler aux passants, à l’image d’un prophète des rues. Il était attachant, libre. Cette chanson est une ode à la liberté qui, je pense, trouve dans la quête d’elle-même.
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