Quand Little Guerrier prend possession de la scène, il embrase la foule. Il faut dire que son flow est accrocheur et que sa musique est irrésistiblement dynamique. Quant aux textes, ils font mouche : le jeune reggaeman appelle au respect des femmes et dénonce les maux de la planète, comme la violence. Lil’ Guerrier, qui sort l’album Caan Cool ce jeudi, s’est confié à Afrik lors des Transamazoniennes (Guyane, du 24 au 26 octobre).
De notre envoyée spéciale à Saint-Laurent du Maroni
A chaque fois le scénario est le même. Lorsque Little Guerrier, alias Lil’ Guerrier, entre en scène, il balance tout ce qu’il a dans les tripes. Et ça marche. Le Surinamais polyglotte, installé en Guyane depuis 2001, a littéralement mis le feu lors de la cinquième édition des Transamazoniennes, qui se sont déroulées à Saint-Laurent du Maroni (Guyane) du 24 au 26 octobre. Cette énergie, c’est son passe-partout pour captiver le public et lui faire passer ses messages militants. Transcendé par sa vibrante musique reggae, l’artiste de 26 ans prône le respect de la femme et dénonce les violences. A l’occasion de la sortie de l’album Caan Cool, ce jeudi, Lil’ Guerrier est revenu sur ses combats.
Afrik.com : Pourquoi ce nom de Little Guerrier ?
Lil’ Guerrier : Parce que je suis toujours en mission. J’essaye de faire passer un message qui parfois fâche, qui est fort, mais reste dans l’amour. Quand je dis « guerrier », ça ne veut pas dire que je vais prendre un gun (une arme) ou des bâtons pour aller taper des gens. Cette guerre que je mène, c’est pour provoquer une prise de conscience. Le « Little » me rappelle de toujours rester humble. Parce que je pense que, dans la musique, c’est l’humilité qui amène la gloire. On ne peut pas se dire qu’on est grand. On existe à travers les autres, on a besoin des autres. Donc on doit être neutre, on doit être humble. Si je m’appelais juste « Guerrier », j’allais prendre la grosse tête. Mais le « Little » me dis : « Hé ! Reviens sur terre ! ». Car je serai toujours un petit face à Bob Marley, Prince Koloni, Black Wood… Un petit pour tous les anciens, pour tous ceux qui ont fait un réel travail dans le reggae.
Afrik.com : Vous parlez beaucoup des femmes. Vous appelez notamment à la fin des violences contre elles…
Lil’ Guerrier : Ça vient de l’enfance en fait. Ma mère a souvent été soumise par mon père et le fait de voir ça très jeune m’a marqué. Je ne pense pas que Jah ait créé la femme pour que l’on s’en serve comme d’un objet, qu’on lui tape dessus. Si la femme n’existait pas, je ne serais pas devant vous. Cet amour que je leur donne c’est pour leur dire que – malgré les souffrances et tout ce qu’elles ont subi pendant des années, des siècles – on les aime quand même et qu’on leur doit du respect. J’ai écrit Black Woman parce que je suis Noir mais son message est universel, très fort. Je pense que chaque femme peut se retrouver un peu dans le texte.
Afrik.com : Lors du concert, vous avez remercié Christiane Taubira…
Lil’ Guerrier : C’est une femme que j’adore. Je pense qu’elle aime beaucoup ce que je fais car elle m’a souvent soutenu. Je lui dois donc cette petite force que j’ai. Moi, je l’ai découverte en 2003. Je suis arrivé en 2001 en Guyane et je ne connaissais pas vraiment les gens qui menaient un réel combat pour le pays. Entendre qu’elle a fait passer une loi pour que l’esclavage soit reconnu comme crime contre l’humanité c’est quelque chose qui m’a vraiment touché parce qu’il faut vraiment avoir du culot, du coffre, pour arriver en France et de dire : « Moi je vous propose cette loi, votez ! ». Moi, j’ai 26 ans et j’ai déjà subi la discrimination. Vous rendez compte ? Ca signifie que celle qu’ont vécue mes parents était forcément plus forte. Alors quand je vois que Taubira arrive avec cette conviction-là, ça me touche beaucoup. Et je big up Aimé Césaire, Damas, Marcus Garvey, Malcom X, Martin Luther King, Bob Marley… Ce sont des gens qui m’ont beaucoup inspiré quand j’étais jeune, et je les respecte énormément.
Afrik.com : Vous parlez de la guerre et de la souffrance dans le monde…
Lil’ Guerrier : J’ai grandi dans le ghetto. J’ai toujours grandi dans cette souffrance, avec le gun, les frères qui se battent et volent un autre frère. A contrario, moi, ça me fait plaisir de me lever avec mes frères et de me dire : « Voilà, qu’est-ce qu’on peut faire pour donner du love aux jeunes du ghetto, pour leur donner conscience du système qui les manipule, qui leur fait perdre leurs repères ? ». Il n’y a pas beaucoup de jeunes qui ont la force de dire : « Je reste debout, je revendique, je chante avec mon cœur et je ne laisse pas le système m’envahir ». Je chante pour dire que j’en ai marre. Tous les jours, quand tu allumes la télé, c’est la guerre. Les gens vivent dans la peur, les jeunes vivent dans la peur… Tu regardes à gauche à droite, il n’y a pas d’issue, donc on tue. C’est des galères sans relâche, mais c’est la vie. « Fo pa moli », comme on dit. Ça veut dire qu’il ne faut pas perdre espoir, même si c’est difficile.
Afrik.com : Pensez-vous que votre message peut donner de l’espoir aux jeunes ?
Lil’ Guerrier : Je pense, oui. Si le message de Bob Marley, d’Israël Vibration, de Don Carlos, de Black Wood et tous ceux qui sont passés nous donne de l’espoir – parce que ce sont eux qui m’ont donné la force d’être là, de même que le public et tout le reste – je pense que moi aussi je peux donner cette force-là aux jeunes. Vous avez vu que je n’ai pas chanté devant 10 000 personnes. Mais je suis sûr que certains vont partir avec une vibe positive. Pour moi, c’est ça qui importe. Si j’arrive à rentrer dans le cœur de cinq personnes sur mille, j’ai réussi à accomplir ma mission.
Afrik.com : C’est justement pour remercier votre public que vous avez sorti le 30 octobre l’album Caan Cool, qui est une édition limitée…
Lil’ Guerrier : J’ai gagné un grand concours qui m’a emmené aux [festival français des] Francofolies. J’ai fait beaucoup d’effet. Alors j’ai fait une édition spéciale avec cinq morceaux inédits et trois morceaux de l’ancien album pour dire que je suis toujours là, pour remercier mon public. En même temps, je prépare mon nouvel album, qui j’espère sortira en 2010. J’essaye de bien le préparer, d’avoir des soutiens un peu partout pour aller plus loin et que le message passe vraiment dans le cœur de tout le monde. Et c’est un réel combat parce qu’en Guyane on manque de structures.