Antoine Rives est un reporter de guerre français confronté au drame rwandais du génocide de 1994. Profondément bouleversé par les massacres et par l’immobilité des forces internationales, il tentera, en vain, de mobiliser les médias et l’opinion. Lignes de front, de Jean-Christophe Klotz, questionne sur le rôle des médias dans le génocide. Il sort aujourd’hui dans les salles de cinéma françaises.
Voyage au bout de l’enfer du génocide rwandais. Lignes de front, le film de Jean-Christophe Klotz, plonge le spectateur dans l’horreur. En 1994, le conflit avait causé la mort de 800 000 personnes, principalement des tutsis.
L’histoire se passe en 1994. Un jeune reporter, Antoine, (joué par Jalil Lespert), part au Rwanda pour faire un reportage sur les « combats » (à l’époque, on n’appelle pas encore cela un génocide). Il partira avec un jeune hutu, Clément (joué par Cyril Gueï), qui veut retrouver sa fiancée tutsi Alice. Car elle n’a pas réussi à se faire expatrier en France. Au départ, le journaliste ne pense qu’a l’idée du reportage. Mais peu à peu, il se laisse submerger par l’ampleur du drame. Il prend conscience du massacre des tutsis par les hutus et qu’il s’agit d’un génocide, et non pas d’un combat. C’est alors qu’il va vouloir agir, comprendre, dépasser cette « ligne de front » pour passer de l’autre côté de la barrière et aider.
Un film fort
Le choix de traiter un sujet aussi sensible et difficile en prenant cet angle est intéressant. Jean Christophe Klotz qui était reporter en 1994, avait, tout comme son personnage Antoine, embarqué pour le Rwanda. Ayant pourtant fait plusieurs reportages de guerre auparavant, il a été profondément marqué par le drame. Parce qu’il avait besoin de s’exprimer, d’expliquer ce qu’il appelle le hors champs, c’est-à-dire, toutes les choses qu’on ne voit pas dans un documentaire, il s’est lancé dans la fiction. « Ce projet est né de l’impossibilité à raconter avec les outils (le reportage, ndlr), qui étaient les miens, j’étais plus libre pour creuser l’histoire par l’intime », explique-t-il. Le réalisateur voulait questionner cette « ligne de front», c’est-à-dire ce qu’on peut faire et ne pas faire » dans le milieu du journalisme de guerre. La nécessité de ne pas dépasser une certaine limite. Le sujet principal étant la question de la responsabilité des médias dans le génocide rwandais.
Ce film, empli de sincérité, comprend cependant plusieurs maladresses. Le jeu de certains acteurs, notamment Jalil Lespert, est peu convainquant au début, et il faut attendre 20 bonnes minutes avant de le voir enfin s’approprier son personnage. Egalement, Jean-Christophe Klotz, imbibé de ses habitudes de journaliste, nous propose une fiction qui reste à certains moments peu crédible et laisse quelquefois le spectateur sur sa faim. Mais malgré ces quelques faiblesses, Jean-Christophe Klotz, sincère, nous livre un film choc, où l’émotion est présente à chaque virage. Il atteint le but visé : amener le public à un autre questionnement sur le génocide. Une seule question demeure : pourquoi Jean-Christophe Klotz est-il resté si timoré sur le rôle de la France dans le génocide ?