Les zones d’ombre subsistent dans le dossier de l’attentat de Lockerbie. Le décès dimanche d’Abdelbaset al-Meghrahi, seul condamné dans cette affaire, ne met pas fin à l’enquête, a annoncé le Conseil national de transition (CNT), qui s’est dit prêt à coopérer avec les pays concernés par le dossier.
Les mystères de l’attentat de Lockerbie seront-ils élucidés un jour ? La mort d’Abdelbaset al-Meghrahi, qui s’est éteint dimanche à l’âge de soixante ans des suites d’un cancer, ne met pas un terme à l’enquête sur l’attentat de Lockerbie en Ecosse qui a fait 270 morts en 1988, a déclaré Mohamed Harizi, porte-parole du Conseil national de transition (CNT). « Nous voulons mettre à nu les crimes de Mouammar Kadhafi qui a porté préjudice à son peuple », a affirmé Mohamed Harizi. Il a également indiqué que les autorités libyennes étaient prêtes à coopérer avec les pays concernés par le dossier pour continuer l’enquête sur cette affaire où les zones d’ombre subsistent. En septembre, un mois après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, le bureau du procureur écossais avait réclamé le soutien dans l’enquête sur l’avion de la compagnie américaine Pan Am qui transportait les 270 victimes de l’attaque au dessus de Lockerbie. Cet attentat était alors le plus meurtrier ayant eu lieu sur le sol britannique.
Abdelbaset al-Meghrahi avait été remis en 1999 par les autorités libyennes à la justice britannique. Il avait été inculpé en 1991 avec un autre de ses compatriotes à la suite d’une enquête britannique et américaine. Alors que le deuxième accusé est acquitté, Abdelbaset al-Meghrahi est le seul à être condamné en 2001 à une peine de réclusion criminelle à perpétuité par la justice écossaise qui décide de le libérer finalement en 2009 lorsque les médecins annoncent qu’il ne lui reste plus que trois mois à vivre. Sa libération soulève des vagues de protestation notamment parmi les familles des victimes. Une indignation encore plus marquée par l’accueil triomphal que lui réserve le gouvernement de Tripoli en 2009 lors de son arrivée en Libye. Le président américain Barack Obama et les autorités britanniques avaient pourtant au préalable prévenu Tripoli qu’ils ne souhaitaient pas que l’espion soit accueilli en héros. Barack Obama avait qualifié sa libération d’ « erreur », considérant son accueil comme « tout à fait répréhensible ».
Des doutes sur l’implication de la Libye
Des doutes ont toujours plané sur la réelle implication de la Libye dans cet attentat. C’est en effet sous la pression de la communauté internationale, surtout celle des Etats-Unis et de la Grande Bretagne, qu’un mandat international avait été lancé en 1991 contre Abdelbaset al-Meghrahi et son compatriote. Ce mandat d’arrêt avait été suivi d’une demande d’extradition exigée par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Refusant d’obéir, la Libye est devenue la cible de pressions économiques non négligeables. Le trafic aérien a été suspendu ainsi que toute vente d’armes à la Libye. Tripoli cède finalement à la pression après cinq ans d’embargo, acceptant de « livrer » les deux présumés coupables d’avoir enregistré à Malte la valise bourrée d’explosifs à l’origine de l’explosion du Boeing. La Libye n’a reconnu officiellement la responsabilité d’Abdelbaset al-Meghrahi qu’en 2003 puis s’est engagée à verser 10 millions de dollars de compensation à chacune des 270 familles des victimes soit un total de 2,7 milliards de dollars. S’en suivit une levée quasi immédiate des sanctions de l’ONU à l’encontre de la Libye.
Abdelbaset al-Meghrahi avait quant à lui toujours clamé son innocence. « Dieu m’est témoin, je suis innocent, je n’ai commis aucun crime et je n’ai aucun lien avec cette histoire », confiait-il au journal arabophone Asharq al-Awsat en 2001, l’année de sa condamnation à la prison à vie, assortie d’une période de sûreté de 27 ans. Le 18 juillet 2007, Ulrich Lumpert, l’un des principaux témoins à charge lors du procès revient sur ses aveux. « J’ai menti dans mon témoignage sur l’attentat de Lockerbie », admettra-t-il dans une déposition publiée sur le site Internet de la société Mebo, son employeur au moment des faits. L’entreprise a été accusée d’avoir vendu le retardateur, incriminé dans l’attentat, à la Libye.
L’ex-ingénieur suisse aurait volé et remis aux Ecossais le fragment de la pièce, une preuve essentielle attestant de l’implication des Libyens dans l’acte terroriste. Edwin Bollier, co-fondateur de la firme Mebo, confiait en 2007 à RFI qu’il était convaincu « que cette pièce devait servir à accuser la Libye ». « On voulait la rendre coupable pour des raisons politiques mais ce retardateur a été intentionnellement ajouté après coup aux pièces à conviction », avait-t-il affirmé. Même son de cloche chez le journaliste Pierre Péan, qui a consacré un livre au drame. « Les éléments s’ajoutent depuis des années les uns après les autres pour montrer que ce dossier ne tient pas la route. (…) Le mobile de la Libye était incompréhensible », confiait-il également à la radio internationale française. Toute l’affaire aurait été orchestrée par les services secrets américains, la CIA. A la fin du procès, l’avocate d’Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahidu, Margaret Scott avait qualifié le verdict « d’erreur judiciaire ».
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