Erreurs, reculades, dissensions… Autant d’éléments qui, accumulés, contribuent à faire désormais de l’OTAN une cible médiatique. L’Alliance Atlantique a perdu un drone-hélicoptère ce mardi au-dessus de la Libye. Lundi, elle reconnaissait, après l’avoir nié, qu’elle avait mené un raid aérien à Sorman, à l’ouest de Tripoli. L’organisation a déjà reconnu dimanche « deux bavures » en l’espace de 24 heures. Sa crédibilité sur le terrain et sa légitimité juridique sont remises en cause. Tout comme, en son sein, les frais engagés par l’opération militaire.
L’OTAN risque de perdre la guerre d’opinion face à Mouammar Kadhafi, a estimé lundi le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini. L’Alliance Atlantique a admis, après l’avoir nié, avoir mené un raid à Sorman, à l’ouest de Tripoli. Elle a déclaré avoir ciblé un centre de commandement et de contrôle pro-Kadhafi sans être en mesure de confirmer la mort de civils. Les autorités libyennes avaient affirmé plus tôt qu’une frappe de la coalition internationale avait provoqué la mort de 15 personnes dont trois enfants. Des journalistes sur place auraient constaté que plusieurs bâtiments ont été détruits. Conduit à l’hôpital de Sabratha, à une dizaine de kilomètres de Sorman, l’un deux aurait vu neuf corps entiers, dont celui de deux enfants, et des morceaux d’autres cadavres, dont celui d’une enfant, rapporte Le Monde. Présent sur les lieux, le porte-parole du régime libyen, Moussa Ibrahim, a dénoncé « un acte terroriste et lâche, qui ne peut être justifié ». Un responsable de l’organisation militaire avait plus tôt fermement rejeté l’accusation sous couvert d’anonymat.
La légitimité de l’OTAN remise en cause
« L’OTAN met en péril sa crédibilité: nous ne pouvons pas prendre le risque de tuer des civils », a ajouté le diplomate italien à des journalistes au Luxembourg. « On ne peut pas continuer à avoir autant de défauts dans notre façon de communiquer avec le public, à ne pas être à la hauteur de la propagande quotidienne de Kadhafi », a estimé le chef de la diplomatie italienne. L’OTAN a déjà reconnu deux bavures en l’espace de 24 heures ce week-end. Dimanche, l’Alliance a admis qu’une frappe nocturne sur la capitale libyenne a fait neuf morts dont cinq de la même famille et dix-huit blessés. L’OTAN, qui a regretté « la perte de vies de civils innocents », a expliqué qu’elle visait « un site militaire de missiles », mais qu’« une erreur dans le système […] peut avoir fait un certain nombre de victimes civiles ». 24 heures auparavant, l’Alliance reconnaissait avoir accidentellement frappé une colonne de véhicules des forces rebelles dans la région de Brega (est) le 16 juin. Et, dernier couac technique en date : ce mardi, un drone-hélicoptère américain de l’OTAN a été perdu. L’un des responsables de l’organisation a indiqué qu’il a pu avoir été abattu ou victime d’un incident mécanique ou d’une défaillance des systèmes de communication. Mais il a démenti démenti qu’un de ses hélicoptères d’attaque ait été abattu, comme l’a affirmé plus tôt la télévision libyenne.
Sur le plan juridique, c’est la légitimité de l’opération militaire de l’OTAN qui est remise en cause. Barack Obama est sommé de rendre des comptes sur l’intervention alliée en Libye. Le représentant démocrate Dennis Kucinich a déposé une mesure visant à retirer les fonds nécessaires à la poursuite des opérations. Il est reproché au président américain de s’être engagé en Libye sans l’autorisation du Congrès. Selon les détracteurs de l’intervention, le président américain viole la loi 1973 sur les pouvoirs de la guerre. D’après le texte, une guerre menée sans l’autorisation du Congrès ne peut excéder 60 jours. Or l’opération en Libye a débuté il y a trois mois. D’autre part, les Etats-Unis, qui sont aussi engagés depuis 10 ans dans la guerre en Afghanistan, peinent de plus en plus à assurer 75% des dépenses de l’OTAN. En France également, un vote à l’Assemblée nationale décidera le 12 juillet si le pays poursuivra son engagement au delà de quatre mois comme le prévoit la constitution. La guerre en Libye a déjà coûté près de 87 millions d’euros à Paris, a indiqué lundi le général Pontiès, porte-parole adjoint du ministère de la Défense.
Et les opinions publiques occidentales sont hostiles à l’idée d’un renforcement de l’action de l’Alliance en Libye, en particulier au sol, en dépit de son ralentissement après plus de trois mois d’opérations.
Une enquête effectuée par le cabinet Harris en Europe et aux Etats-Unis pour le compte du quotidien britannique Financial Times, qui l’a publiée ce mardi, montre que plus que 50% des citoyens allemands, américains, britanniques, espagnols, français et italiens «s’opposent clairement» à une action à même d’accélérer la mission de la coalition internationale en Libye. Selon le sondage, 48% des Britanniques, 51% des Français et 56% des Américains sont contre le déploiement de forces de terre en Libye.
Si la légitimité de l’OTAN en Libye semble s’éroder, celle du Conseil National de Transition (CNT), organe politique de la rébellion, est, elle, de plus en plus reconnue. Mais si l’OTAN venait à se retirer, qu’adviendrait-il des rebelles ?