En Libye, la contestation contre le régime de Mouammar Kadhafi ne désarme pas. De plus en plus forte, l’opposition a décidé de marcher sur la capitale Tripoli, encore sous le contrôle du pouvoir. Malgré les sanctions prises à son encontre par le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union européenne, et les appels à la démission lancés par les Occidentaux, le leader libyen campe sur ses positions. Les Etats-Unis ont annoncé lundi le déploiement de forces militaires autour de la Libye, en vue d’une éventuelle intervention.
L’opposition libyenne ne faiblit pas. Pour la 14e journée consécutive, elle mène la révolte contre le régime de Mouammar Kadhafi, tentant de s’emparer de la capitale Tripoli. A Zawia, ville située à l’ouest du pays, près de 2000 policiers auraient officiellement rejoint le mouvement de contestation, barricadant désormais toutes les rues face aux fidèles du Colonel Mouammar Kadhafi.
Les fidèles de Kadhafi ne contrôleraient plus les principaux champs de pétrole du pays, désormais entre les mains de l’insurrection, a annoncé ce lundi le commissaire européen à l’Energie, Gunther Oettinger. Dans ces conditions, « nous avons décidé de ne pas imposer un blocus pour ne pas pénaliser les personnes qui ne seraient pas celles visées par des sanctions », a-t-il affirmé. L’économie du pays repose essentiellement sur les ressources pétrolières avec une production de près de 1,8 million de barils par jour, majoritairement exportée.
L’Union européenne, qui réfléchit à la possibilité de se réunir en sommet extraordinaire en fin de semaine, a adopté lundi un embargo sur les armes contre la Libye ainsi qu’un gel des avoirs et des interdictions de visa contre le colonel Mouammar Kadhafi et 25 de ses proches, lors d’une réunion des ambassadeurs des 27 à Bruxelles. Une décision qui fait écho à celle décrétée à l’unanimité, samedi, par le Conseil de sécurité de l’ONU. Désormais il est interdit à Mouammar Kadhafi et ses proches de voyager sur le sol des Etats membres et leurs avoirs ont été gelés. Le Conseil a aussi mis en place un embargo sur la vente d’armes et de matériels connexes à la Libye. Seul le projet de saisir la Cour pénal internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité n’a pas fait l’unanimité. Selon des diplomates, la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Brésil et le Portugal avaient soulevé des objections. Mais le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a annoncé qu’il mènera un examen préliminaire sur les violences en Libye, préalable à une éventuelle enquête.
Les sanctions de l’ONU
Un dialogue de sourd s’est engagé entre le dirigeant libyen et son peuple. Dans un entretien accordé dimanche à la télévision serbe, il a promis de rester en Libye et a rejeté la responsabilité des troubles sur les étrangers et Al-Qaïda. Il a assuré que la Libye était complètement «complètement calme». Il n’y a «pas d’incidents en ce moment» dans le pays et il n’y a «rien d’inhabituel. Il n’y a pas de troubles», a-t-il estimé. Il a également condamné les sanctions prises par le Conseil de sécurité des Nations unies contre lui.
L’opposition s’organise
L’opposition, qui ne désarme pas face à l’entêtement de Mouammar Kadhafi, s’organise. Les dirigeants de la contestation libyenne ont affirmé dimanche lors d’une conférence de presse à Benghazi avoir mis en place un «Conseil national» de transition représentant les villes tombées aux mains de l’insurrection en Libye. Le Conseil est «le visage de la Libye pendant la période de transition», a déclaré le porte-parole de la nouvelle organisation politique. Selon lui, les consultations se poursuivent à propos de la composition et de la fonction de ce nouvel organe. Il a toutefois souligné qu’il ne s’agissait pas du «gouvernement provisoire» annoncé samedi soir par l’ancien ministre de la Justice Moustafa Abdel-Jalil. Ce dernier, qui avait démissionné le 21 février pour protester contre la répression sanglante à l’encontre des manifestants, souhaitait qu’un gouvernement de transition prépare la tenue d’élections libres. Ce gouvernement devait compter «des personnalités militaires et civiles», et être «en place pour trois mois maximum» avant la tenue «d’élections justes». «Les gens pourront choisir leur dirigeant», avait-il affirmé en rejetant toute négociation avec Mouammar Kadhafi. D’autre part, des comités civils se sont constitués notamment dans la ville pour assurer les services de base, comme l’électricité et l’eau, l’approvisionnement de carburant et la sécurité.
Crainte d’«une crise humanitaire »
La répression organisée par le pouvoir a fait de nombreux morts. Trois cents, selon le gouvernement. Tandis que pour l’ambassadeur adjoint de la mission libyenne à l’ONU, Ibrahim Dabbashi, le nombre de morts en Libye se comptait déjà par milliers vendredi et non par centaines.
Face à la crise, les évacuations des différents ressortissants étrangers continuent dans des conditions difficiles. Près de « 100 000 personnes », en majorité des travailleurs immigrés, ont fui cette semaine pour des pays voisins, a indiqué dimanche le Haut commissariat pour les réfugiés. Ils étaient encore plus de 10 000, en majorité des Egyptiens, à fuir ce week-end vers la Tunisie par le principal point de passage frontalier de Ras Jedir, selon le Croissant-Rouge local. «C’est une crise humanitaire, les capacités d’accueil sont dépassées, les gens dorment dehors, je lance un appel pressant. Le monde entier doit se mobiliser pour aider l’Egypte à rapatrier ses ressortissants», a déclaré le président du comité régional du Croissant-Rouge.
Le gouvernement français a pris la décision lundi d’envoyer deux avions humanitaires pour secourir les populations à Benghazi. « Ce sera le début d’une opération massive de soutien humanitaire aux populations des territoires libérés », a déclaré le Premier ministre François Fillon sur RTL. Les Etats-Unis ont également pris la décision aujourd’hui d’envoyer une aide humanitaire dans le pays. Mais, en plus, l’armée américaine positionne des forces navales et aériennes autour de la Libye, selon une annonce faite ce lundi par le Pentagone, au moment où les puissances occidentales envisagent la possibilité d’une intervention militaire contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi.