Le quotidien londonien Times a dévoilé lundi un mémorandum sur l’après Kadhafi, rédigé par la rébellion du Conseil national de transition (CNT). Le document prévoit le maintien des infrastructures héritées du régime du colonel Kadhafi pour éviter que le pays ne sombre dans le chaos. Il pronostique aussi le recrutement des cadres de l’administration actuelle pour assurer la continuité des institutions et le déploiement d’une importante force de sécurité à Tripoli.
Il résiste encore mais il finira par tomber. Pour les soutiens français du Conseil national de transition (CNT), l’organe représentatif de la rébellion libyenne, la chute de Mouammar Kadhafi n’est plus qu’une question de temps. « Il n’a plus d’aviation. Plus d’armes lourdes. Il vit terré dans ses bunkers. Peut-être n’est-il même plus à Tripoli… C’est ce que disait, peu avant son assassinat, le chef militaire de la rébellion, Abdel Fatah Younes : il pensait que Kadhafi était à Traghan, dans le Fezzan, au fond d’une de ses résidences souterraines. Moi, je ne doute jamais. Car Kadhafi va tomber. Le monde sera débarrassé ce jour-là d’un de ses pires tyrans », déclare, dans une interview publié dimanche sur le site du Parisien, le philosophe Bernard-Henry Lévy (BHL). Partisan de l’ingérence humanitaire, celui-ci avait convaincu le président français, Nicolas Sarkozy, de soutenir militairement la rébellion libyenne.
Bien que secondée dans le ciel par les chasseurs de l’Otan, qui, jour et nuit, pilonne les positions des pro-Kadhafi, la rébellion progresse difficilement vers Tripoli. De sorte qu’entre ses divisions internes, ses avancées et replis, ses annonces de coups décisifs portés à l’ennemi, vite démenties par Tripoli, comme la mort de Khamis, fils principal stratège militaire de Kadhafi, certains parlent d’enlisement, près de cinq mois après le déclenchement des hostilités. Toutes choses qui n’entament pas la sérénité de BHL. « Il y a peut-être des divisions au CNT, mais pas plus que dans n’importe quel autre mouvement de résistance. Prenez la résistance française, elle était divisée entre droite et gauche, antigaullistes et gaullistes, maurrassiens et républicains. Tout le spectre de la nation y était représenté et c’est, toutes proportions gardées, la même chose en Libye», assure le philosophe engagé.
Maintenir les infrastructures et recruter dans l’administration
Conscient des difficultés de terrains, le CNT semble compter davantage sur les divisions internes du camp Kadhafi et sur les défections massives dans les rangs de ses troupes, pour en venir à bout du guide libyen. A Benghazi, capitale des rebelles, on prépare déjà ainsi l’après Kadhafi. Dans un mémorandum de 70 pages révélé lundi par le quotidien britannique Times, le mouvement politique de la rébellion libyenne laisse entrevoir comment elle souhaite diriger la Libye, dans les heures qui suivront le départ de Mouammar Kadhafi. Priorité des priorités, éviter au pays le type de chaos qui qu’avait connu l’Irak, après la chute de Saddam Hussein. Pour cela, préconise le CNT, il faudra maintenir la plupart des infrastructures mises en place par le régime Kadhafi. Installé à Tripoli, un gouvernement provisoire aura à sa disposition une force opérationnelle de 10 000 à 15 000 hommes. Leur mission : sécuriser la capitale et capturer les partisans de Mouammar Kadhafi. Ce gouvernement provisoire recrutera aussi quelques 5 000 policiers qui lui serviront de force de sécurité. Les télécommunications, les transports et le secteur énergétique devront être remis en marche, dans les heures qui suivront l’effondrement du régime Kadhafi.
Selon les rebelles, environ 800 responsables de l’actuel gouvernement de Tripoli sont déjà acquis à leur cause et pourraient former le noyau d’une nouvelle administration. Le CNT a authentifié le mémorandum dévoilé par Times. Cependant, il a fait savoir qu’il ne s’agissait que d’une ébauche préparatoire à quelque chose de plus important.