Enfin! La Communauté Internationale a compris : il faut frapper. Par devoir humanitaire envers les plus faibles. Il faut arrêter la transe sanguinaire de Kadhafi. Ce n’est pas gagné d’avance mais on veut bien croire que cette Communauté a finalement appris, pour de bon, que les dictatures qui continuent de sévir sur le continent, quel que soit leur taille ou leur âge, sont une menace permanente pour l’équilibre mondial. Et qu’à ce titre, il faut leur faire la guerre. A temps. Bien avant qu’elles ne se mettent à engloutir des populations entières. Il n’y a pas de guerre qui soit propre au point de n’avoir que des partisans. Les Africains doivent-ils condamner l’opération “Aube de l’Odyssée” sur la Libye?
A peine les missiles Tomahawk, les Rafale et Mirage des forces coalisées ont-ils commencé à pleuvoir sur Kadhafi que ses congénères dictateurs, peut-être par peur de subir le même traitement, sont sortis de leur silence. Leur formule, “une solution à l’africaine” est remise au goût du jour. Aussi obsolète qu’inopérante, cette potion, depuis qu’elle existe, n’a jamais traité un seul mal du continent. Le “club” n’est pas loin d’adopter la ligne iranienne d’Ahmadinejad pour faire croire aux opinions publiques africaines que les frappes occidentales sont une action néo-coloniale porteuse de pensées économiques dissimulées. La chanson est connue. Seulement, n’est-ce pas parce qu’elle est le fief des pires espèces de dictateurs au monde que l’Afrique prête, elle même, le flanc à l’humiliation dont elle se dit victime?
Nul ne veut pavoiser. Ces frappes aériennes contre la Libye vont occasionner des effets collatéraux importants et une destruction de biens hors norme. Elles seront un échec affligeant si Kadhafi parvient à se maintenir. Mais c’est un signal nécessaire. Avant d’être contre ou d’y voir le néo-colonialisme, il faudra d’abord citer une seule solution de rechange qu’ont pu proposer notre Afrique et son organisation. L’UA qui est restée toute muette lorsque le “Roi des rois”, à l’aide d’avions bombardiers, envoyait sous terre, par milliers, ses concitoyens qui lui réclamaient juste un petit espace de liberté ?
A quand l’intervention en Côte d’Ivoire ?
Faute des “solutions à l’africaine” que promettent à chaque occasion nos dirigeants infoutus, les peuples africains s’en remettent, majoritairement, certains à l’Occident, d’autres à Dieu, tous résignés. S’ils ne le disent pas très fort, sans nul doute qu’ils ne pensent pas moins qu’il faut que les puissances du Nord activent, partout où cela s’impose, le droit d’ingérence et de protection des peuples sans défense contre leurs oppresseurs. Il ne faut pas perdre de vue que l’Occident avait été critiqué pour n’avoir rien fait, en 1994, pour arrêter le génocide rwandais. De ce point de vue, une intervention en Libye, tout comme en Côte d’Ivoire se justifie.
Ces derniers mois, Gbagbo et Kadhafi ont montré combien d’hécatombes ils sont prêts à provoquer à cause de leur goût effréné du pouvoir. Ce sont là de vrais cas de débilités face auxquels les principales puissances démocratiques sont restées, un peu trop longtemps, les bras croisés. Avec éclat, elles ont condamné et se sont indignées du sang qui coule à flot à Abobo, Benghazi et ailleurs. Pourtant, elles ont la capacité de frapper, plus tôt, ces fous qui charcutent leurs peuples, de faire une “petite guerre légitime” pour stopper ces tyrans et leurs généraux incivilisés qui massacrent à tour de bras et qui – les armées familiales et les milices locales ne sont pas assez pour tuer la démocratie – n’hésitent pas à recourir à des mercenaires noirs, payés à des prix dérisoires.
Tout porte à croire que les peuples d’Afrique doivent retourner sous le joug des partis uniques pour avoir droit à la vie et être en paix! Ont-ils péché par naïveté de fonder leurs espoirs dans les principes démocratiques de l’Occident? Les révoltes populaires que connaît le Maghreb, vingt ans après celles qui ont été étouffées dans le sang, au Sud du Sahara, donnent lieu de constater que l’ONU et les grandes puissances ont fait trop peu, trop tard et montré une effarante complaisance à l’égard de certains chefs d’état que la démocratie irrite. Pour comble de malheur, la présence au sein de ces grands du monde, des deux dictatures russe et chinoise n’est pas de nature à rien arranger. Pour ces deux puissances, les bois précieux, les minerais et les terres fertiles qu’ils vont acquérir sauvagement sur le continent comptent plus que les humains qui l’habitent.
Les hésitations de l’ONU, les complicités des puissances occidentales aggravent ce qu’il convient d’appeler la tragédie africaine. Néanmoins, ces piétinements ont le mérite d’envoyer des signaux aux Africains : Kadhafi, Gbagbo, N’guesso, Mugabé et leurs congénères dictateurs ne doivent plus avoir le champ libre de commettre leurs crimes, sans qu’ils ne rencontrent sur leur chemin des peuples réactifs, prêts à s’imposer des privations, déterminés à en découdre. Cette Communauté internationale ne nous l’enseigne que trop, elle a aussi ses intérêts qui ne sont pas, très souvent, les intérêts de l’Afrique qui souffre, l’Afrique des masses populaires.Il faudra plus que les lamentations des élites africaines pour changer la donne.
Kodjo Epou, Washington DC, USA