Le Sénat américain souhaitait auditionner ce jeudi le patron du géant pétrolier BP en même temps que d’autres personnalités anglaises et écossaises, au sujet de la libération de l’espion libyen. Il soupçonne le groupe anglais d’avoir plaidé l’élargissement d’Abdel Basset al Megrahi en échange de contrats pétroliers en Libye. Aucun des responsables invités ne s’est présenté à la chambre haute du parlement américain. Cette décision qui intervient en plein scandale de la marée noire, causée par un puits BP et qui pollue les côtes américaines, contribue à refroidir les relations entre Londres et Washington. Le Sénat a reporté la date d’audience et envisage de se lancer dans une enquête à plus long terme.
Le géant pétrolier BP a-t-il fait pression sur les autorités britanniques pour qu’elles libèrent Abdel Basset al Megrahi en échange de concessions pétrolières en Libye ? Le Sénat américain envisage en tout cas avec sérieux la piste d’un lobbying du groupe anglais qui aurait abouti à l’élargissement en août dernier du haut cadre des renseignements libyen, condamné à vie et détenu en Ecosse, pour son implication dans l’attentat de Lockerbie, qui avait fait 270 morts en 1988.
La commission sénatoriale des Affaires étrangères souhaitait ainsi recueillir ce jeudi les témoignages de plusieurs personnalités liées à l’affaire : deux responsables écossais, l’ancien secrétaire britannique à la Justice Jack Straw, deux dirigeants de BP dont le directeur général Tony Hayward qui quittera ses fonctions en octobre, emporté par le scandale de la marée noire qui pollue depuis plus de deux mois les côtes américaines, de la Louisiane à la Floride. Aucune de ces personnalités ne s’est présentée au Sénat. A la place de ses hauts dirigeants, la compagnie BP aurait proposé de se faire représenter par son chef des opérations au Royaume-Uni, Peter Mather. Mais celui-ci serait peu au fait d’un quelconque accord conclu entre la firme pétrolière et la Libye.
Le Sénat américain dit « se heurter à un mur »
Pour certains sénateurs américains, ce refus de coopérer laisse croire que les intéressés auraient des choses à cacher. « Il est particulièrement décevant et, selon moi assez choquant, qu’aucun de ces témoins clés ne souhaite coopérer et venir répondre aux questions de la commission sénatoriale des Affaires étrangères. Nous nous sommes heurtés à un mur », a commenté le sénateur démocrate Robert Menendez. La chambre haute du parlement américain a décidé de reporter la date d’audience.
Condamné à vie et détenu en écosse depuis 2001, Abdel Basset al Megrahi, 58 ans, a été libéré le 20 août 2009, officiellement pour raison médicale. Il souffrirait d’un cancer de la prostate en phase terminale. Il avait sollicité une grâce judiciaire, pour rentrer mourir dans son pays. Ce à quoi les autorités écossaises, officiellement, avaient répondu favorablement. « Notre système judiciaire demande que la justice soit rendue mais que la compassion soit possible, nos convictions imposent que la justice soit faite mais que la clémence soit accordée », avait expliqué Kenny MacAskill, le ministre écossais de la justice, pour justifier sa libération.
Les Etats-Unis, dont 189 citoyens avaient péri dans l’explosion du Boeing de la compagnie Pan Am au dessus de Lockerbie, s’étaient vivement opposé à cet élargissement qualifié après coup « d’erreur » par l’ambassadeur de Grande-Bretagne aux Etats-Unis, Nigel Sheinwald. Peu après, les bruits avaient couru sur [un probable accord secret->
] entre Londres et Tripoli, aux termes duquel l’espion aurait été libéré en échange de concessions pétrolières en Libye estimées à plusieurs milliards d’euros
C’est avec cette affaire que le nouvel hôte du 10 Downing Street , David Cameroun, a été accueilli la semaine dernière aux Etats-Unis, lors de son premier déplacement en tant que Premier ministre aux Etats-Unis. Bien que la rencontre n’était pas inscrite dans son agenda, il a dû trouver le temps de s’entretenir avec les quatre représentants de la commission des affaires étrangères du Sénat américain qui conduisent les investigations sur le rôle de BP dans la libération d’Abdelbasset al Megrahi. Tout en niant que BP ait été impliquée dans cette remise en liberté, Il l’a qualifiée « d’erreur totale ». Toutefois, il s’est pas opposé à l’ouverture d’une enquête sur la libération de l’espion libyen. Alors que le scandale de la marée noire, partie d’un forage endommagé du pétrolier BP en haute mer américaine continue d’envenimer les relations entre Londres et Washington, le Sénat américain a décidé de poursuivre ses investigations.